Pedro Garcia Rosado, Mort sur le Tage

Un por­trait au vitriol de la société lisboète

Maria João tente de sur­vivre après avoir été vio­lée par trois gar­çons. Mais la mort la rat­trape.
Au milieu du Tage, une femme se défend, hurle, frappe Lou­renço alors qu’Alberto, qui ne peut lâcher les com­mande du petit canot, lui crie de ne pas la lais­ser s’échapper. Elle réus­sit à sau­ter, à rejoindre la rive cepen­dant rat­tra­pée et frap­pée avec l’ancre. Elle est lais­sée pour morte. Une ombre a assisté au drame, une ombre qui emporte le corps de la femme. Alberto et Lou­renço sont les fils de Sal­va­dor Teles, un puis­sant indus­triel. Ils sont très inquiets après les évé­ne­ments de la nuit. Et cette fois-ci, ils ne pensent pas être sau­vés par leur père qui avait fait étouf­fer l’affaire de l’assassinat de Maria João. Ils font par­tie de la jeu­nesse dorée de Lis­bonne et avec Rick, leur cou­sin, un acteur de seconde zone ; ils tournent des films por­no­gra­phiques.
Cette femme est fian­cée à Evgueni, un gar­çon qui s’inquiète quand elle n’est pas au rendez-vous, qu’elle reste introu­vable. Il contacte Oulia­nov, le frère d’Irina, un tai­seux au passé tour­menté. Celui-ci, après être passé par les ser­vices spé­ciaux de l’URSS, l’armée a fini dans des com­bines cri­mi­nelles, fait de la pri­son et se terre au Por­tu­gal comme ouvrier. Pour retrou­ver sa sœur, il doit sor­tir de l’ombre et renouer avec des réflexes d’enquêteur.

Pour construire son intrigue, le roman­cier mise sur les règles du roman cri­mi­nel inversé dont tout l’enjeu est de savoir si le, ou les, cou­pables pour­ront échap­per à la jus­tice, au châ­ti­ment. Il les place dans les milieux aisés de la capi­tale, dans le milieu des affaires. Il décrit Lis­bonne et son évo­lu­tion, les quar­tiers en muta­tion. Il expose les construc­tions nou­velles, les tra­vaux d’infrastructure et ce qu’ils génèrent comme magouilles et mal­ver­sa­tions, pots de vins et cor­rup­tions en tous genres.
Trois par­cours prin­ci­paux struc­turent le récit. Celui des deux frères qui peu à peu se sentent cer­nés par des forces incon­nues et qui tentent de des­ser­rer l’étau. Ceux qui portent le glaive de la jus­tice, que ce soit la police, jus­ti­cier offi­ciel ou un ex-assassin qui mène sa ven­detta. Lis­bonne s’installe à côté de ce trio et occupe une place entière de personnage.

Le roman­cier dresse une gale­rie de por­traits remar­quables dans leur noir­ceur. Peu méritent être sau­vés. Sal­va­dor Teles, un grand capi­taine d’industrie qui a eu l’opportunité d’épouser une riche héri­tière mais qui a su faire pros­pé­rer l’argent de son beau-père pro­fi­tant du réseau qu’il avait créé quand il était mili­taire. Les deux fils dont leur père doute de leurs capa­ci­tés au point de les lais­ser avec des “jou­joux”, pré­fé­rant vendre son empire. L’immigrant russe au passé cri­mi­nel chargé, même s’il tuait dans une cer­taine léga­lité. Et puis toute une équipe de fonc­tion­naires muni­ci­paux qui doivent arron­dir leurs fins de mois, de poli­ciers plus ou moins cor­rom­pus. Et puis, une ombre qui hante la nuit.

Tout ce petit monde s’agite dans Lis­bonne, de la Jet-set aux sous-sols inex­plo­rés, des cou­loirs des admi­nis­tra­tions aux bords du fleuve. Pedro Gar­cia Rosado pro­pose un roman fort, âpre, à l’intrigue raf­fi­née met­tant en ten­sion un récit attrac­tif servi par une théo­rie de pro­ta­go­nistes bien campés.

serge per­raud

Pedro Gar­cia Rosado, Mort sur le Tage (Ulia­nov e o Dia­blo), tra­duit du por­tu­gais par Myriam Benar­roch, Édi­tions Chan­deigne, coll. “Biblio­thèque Lusi­tane”, octobre 2017, 408 p. – 22,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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