Ce que cache le Vatican. Mystères et réalités d’une institution fascinante
Que cache le Vatican derrière ses anciens et vénérables murs ? Quels secrets inavouables ? Quelles compromissions avec le diable ? Y a-t-il un État ou une institution qui suscite autant de fantasmes que la papauté et son chef ? On se souvient des élucubrations de Dan Brown et du crédit qu’y ont accordé des millions de lecteurs. Des meurtres pour cacher un secret. Recette déjà utilisée par Umberto Eco dans Le nom de la rose.
Ce n’est pas à ce genre de fantaisies que se livre Bernard Lecomte dans son livre au titre certes accrocheur Les secrets du Vatican. Auteur d’une biographie de référence de Jean-Paul II, cet ancien journaliste au journal La Croix se plonge dans plusieurs des « affaires » qui suscitent le plus de remous chez les historiens et les journalistes, depuis 1917 jusqu’à Benoît XVI. Sa connaissance des milieux ecclésiastiques et du Vatican, couplée à une bonne et sérieuse bibliographie, donnent à l’ouvrage une qualité indéniable. Écrit avec un style alerte, accessible au grand public — qui est la cible visée — il se décompose en dix-sept chapitres, relativement courts et qui vont à l’essentiel.
À coups de scalpel, l’auteur déchiquette les légendes les plus grossières, écarte les explications les plus fantasmagoriques, remet les évènements dans leur contexte. Non, Jean-Paul Ier n’est pas mort assassiné, mais épuisé à la tâche, sans doute dans la soirée précédant la découverte officielle du corps, aux premières lueurs de l’aube. Non, le Vatican ne s’est pas allié à la mafia dans des opérations financières douteuses d’où surgira le scandale de la Banque du Vatican dirigé par Mgr Marcinkus, plus incompétent que malhonnête. Non, l’Eglise ne s’acharne pas à faire reconnaître l’authenticité du Saint Suaire de Turin mais le présente aux fidèles comme une icône. Non, l’Opus Dei n’est pas une organisation sulfureuse et secrète (encore Dan Brown !), aux ramifications nombreuses, mais une œuvre de sanctification des laïcs à laquelle Jean-Paul II était très attaché. La rapidité de la béatification de son fondateur, José Maria Escriva da Balaguer, s’explique davantage par la rapidité des moyens de communication (qui a légèrement progressé depuis le XVIIe siècle) que par un complot ourdi autour de Jean-Paul II.
La période choisie par l’auteur rend inévitable l’étude du concile Vatican II et de ses conséquences. Les exemples choisis - la lutte des pères conciliaires contre la Curie et ses tentatives de verrouillage ainsi que le schisme de Mgr Lefebvre - entraînent le lecteur dans la lutte, certes réductrice, entre les « progressistes » et les « conservateurs ». Dire que l’auteur penche du côté des « progressistes » serait une litote. Il est certain qu’un homme proche des milieux traditionalistes ou en faisant partie n’aurait pas écrit de la même façon le chapitre sur le schisme de 1988. Mais l’auteur livre tout de même des analyses intéressantes, et, dans la querelle sur les prêtres ouvriers, n’hésite pas à parler des dérives de ces prêtres lancés dans le monde ouvrier, et de toutes les menaces sur le sacerdoce que cela entraînait. C’est une identique honnêteté qui structure les pages consacrées aux relations entre le Vatican et le fascisme, et à la question controversée de l’attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur appréciera le sens de la mesure, l’absence de toute caricature et de jugement moral dont fait preuve l’auteur. Loin de présenter Pie XII comme un pontife timoré ou, pire, complaisant, Bernard Lecomte met en exergue son hostilité au national-socialisme, sa volonté d’éviter la rupture avec Berlin, prélude à ses yeux à de nouvelles persécutions, son attachement à la neutralité du Vatican, seul moyen de sauver le maximum de juifs, notamment en 1943, comme cela est très bien rappelé.
Cet ouvrage s’avère finalement utile pour comprendre le contexte ou les fondements de telle ou telle question de l’histoire tumultueuse de la papauté au XXe siècle.
f. le moal
Bernard Lecomte, Les Secrets du Vatican, Librairie académique Perrin, janvier 2009, 387 p. — 21,50 €. |
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