Camille Henrot, Days are dogs (exposition)

Vies de chiens et hebdo madère de Camille Henrot

A sa manière, Camille Hen­rot est une géo­logue de l’art sous toutes ses formes. Il y a chez elle du Mal­colm Lowry, du Kerouac et du Georges Pérec ver­sion plas­tique. Elle réin­vente — comme le prouve son expo­si­tion au palais de Tokyo — le monde et les jours non sans invi­ter des « guests » (comme on dit main­te­nant) pour accom­pa­gner son tra­vail. De l’huile de l’Hudson elle tire une plume de goé­land qu’elle trans­forme en coiffe indienne. Elle reste un bate­leuse qui fait sou­vent sa valise ou son sac, y fourre un os de silex, le fil du rasoir, un bloc Rho­dia, un savon, un atlas pour des routes impro­bables et che­mins de tra­verse.
Elle crée des œuvres aussi pro­fondes que drôles pour notre civi­li­sa­tion qui  péclote mais qu’elle recons­truit selon une déré­gu­la­tion de idées et images admises au besoin avec hardes et sco­ries, ce qui fait d’elle une har­deuse d’un nou­veau genre. Le monde défile en effon­dre­ments par effets de domi­nos sus­pen­dus au-dessus du vide.

Levée dès l’aube, l’artiste des­sine, scie, accroche, plante en frap­pant dur et fort. Reliant ce qui est avec ce qui n’est pas, en ses cor­ré­la­tions le calme s’enfonce en tendres épines. Par­fois même, l’artiste sou­lève les jupes des filles et ça ne fait pas un pli pour le play-boy asia­tique qui lorgne sur leur aban­don et bijoux de famille. Plus géné­ra­le­ment, l’artiste détourne abs­cisse et ordon­nées quelle qu’en soit la nature. Et l’œuvre devient un roman à déchif­frer. Elle cueille au besoin des cli­to­ris de silex rose où se se contente d’observer les filets d’eau sur les nuages de l’asphalte. Puis reli­sant Beckett, elle se rap­pelle ce qu’il entend par « cho­séité » de l’art.
Elle l’illustre par ses fresques incom­plètes d’où jaillissent par­fois des crois­sants en fer­raille de lune mais sans défi phal­lique. Si bien que si les chiens sont des jours, ceux-ci ne sont ni des tou­tous snobs ni des molosses de garde. Leur mise en scène per­met de faire mordre la pous­sière aux apports d’autorité, aux fic­tions dis­cu­tables comme aux défi­ni­tions dis­cu­tables qui veulent impo­ser leurs lois à notre exis­tence et au peu que nous sommes.

jean-paul gavard-perret

Camille Hen­rot, Days are dogs, Palais de Tokyo jusqu’au 8 jan­vier 2018 et Maga­zine Palais n° 26, 2017.

 

 

 

 

 

 

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