Croisières au centre de l’horreur
Les grands classiques de Conrad sont republiés dans ce volume hors-série de La Pléiade. La fascination opère tant par le corpus lui-même que l’apparat critique.
Le livre représente en quelque sorte une anthologie des œuvres (une par décennie) publiés dans les 5 volumes dans la même collection.
Au cœur des Ténèbres (« scénario » de Apocalypse Now ) résume l’œuvre qui reste difficilement réductible à une seule interprétation. Mais il ne faut par pour autant oublier et son capitaine égaré. Si l’’auteur polono-britannique reste l’arpenteur des perdants, il reste aussi celui de l’écriture dont l’anglais est très caractéristique — truffé de solécismes (de gallicismes entre autres).
Conrad ne cesse de déconstruire les sens possible et l’écriture. En particulier dans Au cœur des Ténèbres. La tristesse et l’exigence de l’auteur y transparaît de même que son idée de la littérature ( précisée plus loin dans l’introduction de Le Nègre et le Narcisse) et de sa propre modernité au sein d’une forme particulière de romans de voyage.
Quoique détestant être qualifié « écrivain de la mer », l’auteur a fait de tous les bateaux des lieux d’enfermement (pour les coolies de Typhon par exemple) et d’énigmes au sein même de la récurrence comme de la diversité. Avec Le duel, l’ironie légère (ou presque) est constante. A l’inverse, dans Les Ténèbres tout ressemble à un univers mental des plus sombres.
Demeure en chaque texte une forme d’absurdité de l’être et du monde. Néanmoins, tout en allant vers l’horreur ontologique, chaque livre scintille selon divers trajets ou dramaturgies.
L’âme humaine est mise à nu afin de montrer combien l’enfer c’est les hommes, le plus souvent ballotés sur une mer déchaînée. .
jean-paul gavard-perret
Joseph Conrad, Au coeur des Ténèbres et autres écrits, Gallimard, La Pléiade, Paris, 2017.