Jean-Luc Coatalem, écrivain, rédacteur en chef adjoint au magazine Géo, est un spécialiste de l’exotisme littéraire et plastique. Il créa d’ailleurs Les Cahiers de l’Exotisme sous l’ombre tutélaire de Pierre Loti. . Après et entre autres un essai sur Gauguin (Je suis dans les mers du sud), il a publié le superbe Gouverneur d’Antipodia (Le Dilettante) et Nouilles froides à Pyongyang (Grasset).
Il fait retour aujourd’hui sur un de ses auteurs de chevet : Victor Segalen. L’écrivain voyageur et marin breton partit d’abord sur les traces de Gauguin aux marquises puis à Djibouti sur celles de Rimbaud avant de traverser la Chine jusque dans le dédale de la Cité interdite de Pékin, il va ensuite à Hanoi avant de retourner — chargé d’opium — près de Morlaix. Une jambe entaillée, il fut retrouvé mort dans la forêt d’Huelgoat (le “Fontainebleau breton”) loin de ses deux amours (sa femme et sa maîtresse Hélène Hilpert).
L’énigme demeure autour de la disparition de l’écrivain. Elle interroge Coatalem qui (pour la comprendre ?) remonte les traces de la vie et d’une œuvre dont personne n’avait idée avant la disparition d’un tel aventurier. Son laudateur conséquent revisite l’œuvre officielle, les lettres à ses deux amours, ses voyages. Nous entrons dans une forme de biographie romancée à la fois lyrique, pertinente et élégante. L’auteur la traite sous un « vous » qui sied bien à l’admiration dont il fait preuve: « Vous êtes venu vous reposer de la Chine ancienne, de l’effroyable tuerie de la guerre et de la lassitude des choses infimes. ».
Coatalem soigne les détails en évitant le superfétatoire. Un humour discret rampe souvent en filigrane : « la vie bretonne est bon marché, le Chaos de pierres amusant, les gens du cru pittoresques et bonhommes, la plupart des éleveurs et des paysans vont à la messe en costume bleu et noir ». Mais il fait preuve du même écart que le héros dont il dessine le portrait.
Segalen reste distant (mais poli), solitaire, incompris sans doute, qu’il soit dans sa Bretagne ou à Pékin. Le ton est juste, original, piquant. Quelque chose d’invisible y tinte. De Brocéliande à l’Orient Extrême, Coatalem ne chinoise pas. Tout se passe entre éclair, trouée, murmure et trouvaille comme « les rochers jetés en vrac par la main géante » là où Segalen « devenu fragile » trouva la mort, « teint pareil à du jade, les mains quasi transparentes et les bras, autrefois musclés, au vieil ivoire ».
Celui qui brigua le prix Goncourt pour son premier livre Les Immémoriaux (en 1907) et que Jules Renard décrivit dans son Journal « souffreteux, pâle, rongé, trop frisé » » ne mérite pas ce flot d’avanies. Coatalem lui sauve la mise hors des sentiers battus de la critique aussi « classique » que compassée.
jean-paul gavard-perret
Jean-Luc Coatalem, Mes pas vont ailleurs, Stock, août 2017, 288 p. — 19,50 €.
Monsieur,
Je ne vous connais pas et avant ce jour, je n’avais d’ailleurs jamais entendu parler de vous.
Ma sympathie naturelle vous était acquise puisque vous alliez me faire voyager au fil de ces quelques pages sur les traces de Victor et de son fils aîné, Yvon, mon grand père.
Page 28, vous avez omis les guillemets autour d’une citation “il entreprit un voyage au loin qui n’était qu’un voyage au fond de lui-même” . Ma confiance aveugle de lectrice acquise s’est fissurée. J’ai quand même voulu croire “l’espérance est violente” comme dit Guillaume Apollinaire La suite, vous faites état, presque fièrement, de “laisser une ardoise” à une libraire qui a du apprécier vos boniments d’écrivain. Je referme le livre sans le terminer — déçue par votre monologue haché et vos emprunts trop nombreux au talent de vos inspirateurs. Je forme le souhait que vous puissiez au moins payer vos dettes — à la libraire, à tous ceux qui vous connaissent et que vous avez blessés par vos petits arrangements avec la vérité. Quant à moi, je suis juste triste et fâchée de ce sentiment d’indignation, là où j’espérais trouver de la lumière et de l’intelligence
Diane Segalen