Dieter Seitz présente les nomades kazakh de l’ère soviétique jusqu’à aujourd’hui à travers de superbes portraits et paysages. Il propose un voyage qui commence dans les territoires désertiques du pays et finit dans les villes du nouvel état lieux de vie des nomades devenus urbains. Ces nombreuses peuplades premières font le lien entre l’Orient et l’Occident, entre les restes de la soviétisation du pays et sa modernité. Elles sont l’exemple parfait de groupes et clans tiraillés entre deux vies, deux univers, deux conceptions du monde. D’un côté elles revitalisent une culture ancestrale mais en même temps sont profondément imbriquées dans un processus de consommation effréné hérité de l’occidentalisation..
Ce que les « désoviétisations » de 1991 et la crise qui a suivi entraînèrent reste visible dans le portrait à la fois impressionniste et expressionniste de Dieter Seitz. Qui connaît ce pays attachant le retrouvera avec plaisir, qui l’ignore comprendra bien des facettes d’un Etat constitué d’une centaine d’ethnies. L’auteur montre les blessures du passé, le retour d’une présence « blanche » post-soviétique, les traces d’une topographie culturelle composite.
Nomads Land traduit les transformations importantes d’un pays d’Eurasie qui reste sans doute — quoique largement ignoré par le tourisme — un des plus beaux pays du monde.
Dieter Seitz a donc reconstitué des scènes ignorées où et par exemple, au sein de tableaux photographiques, les femmes sont belles mais le plus souvent tristes. La photographe ne cherche pas ici à copier un « à la manière de » mais à faire toucher des scènes de tous les jours d’une « vie mode d’emploi » saisissantes mais qui ne cherche jamais le spectaculaire.
Chaque prise permet de s’interroger sur la puissance des images et ne cesse d’appuyer sur divers contrastes saisissants.
jean-paul gavard-perret
Dieter Seitz, Nomads Land, The Kazakhstan Project, Hatje Kantz, Berlin, 2017, 160 p. — 40,00 €.