Danièle Momont & Anne-Sophie Tschiegg, Dans ma nuque

Point sur la cour­bure du monde

L’amour c’est un rêve. Celui d’un échange, d’un souffle, d’un dres­sage du plai­sir entre deux femmes entraî­nées vers la der­nière hébé­tude dans les plis du cœur et du corps. L’amour c’est  «  sou­hai­ter une motte à mes reins — elle me chauf­fe­rait comme un fer. et c’est contre mon cou déjà son souffle acca­blé de gros seins car je veux la fille grosse, très, j’en veux une adi­peuse et royale, qui bouilli­rait dans ma nuque avec assez de chair, de régal ». Il faut en effet de la ron­deur pour nim­ber celle qui s’exalte à l’idée d’une gorge offerte et d’une forge pour accom­plir le  tout-venant, c’est-à-dire  l’autre en elle. Assou­plies, elles s’accueillent, ouvertes à un bel échange, dans l’entrebâillement que les doigts pratiquent.

Femme défaite, le livre fait loi au rêve. Le couple s’élève. L’une voit en l’autre la reine. Essor majeur, chute mineure. Ou l’inverse sous le plai­sir d’étrave, têtes bêches, à moins que chaque par­te­naire s’avise de prendre son tour dans un bel échange qui fend l’autre pour la sen­tir. Ecart des mots, des lèvres. Contre soi,  fois deux, en un tiraille­ment sans frein jusqu’à la bouche d’ombre où le cri peut se for­mer. Tanière et cru­dité : téré­brant échange en un bel et long voyage entre les poils cou­leur tabac. A chiquer.

Après il y aura les pei­gnoirs doux, la crème, le thé brû­lant, la dou­ceur apai­sante. Après la lutte, le dres­sage de l’incise inter­ca­lée.  D’où ces mots où le dit d’amour est amorcé. Bâillent les petites bouches étoi­lées au ciel de lit fourré dans une taie. L’auteure est pal­pi­tante mais dis­tan­ciée contre le tan­gage auquel par­fois le cœur est sou­mis. Exit le pathos. Juste  la pliure, le gouffre à la va-vite équarri en quelques phrases qui évitent le super­flu. Et sans vagues de bonté.
Même si l’autre est tendre, l’amour sera un coup de mer­lin sur ce qui ser­tit, étire, fait ser­rer les jambes, les écar­ter. La femme rêvée belle et ban­dante,
 sa par­te­naire  longe déjà l’intériorité fris­son­nante. Elle pour­suit son errance, sa dérive comme dans les Alys­camps. Souffle ren­tré. Pour un temps. Pour un temps seulement.

jean-paul gavard-perret

Danièle Momont & Anne-Sophie Tschiegg,  Dans ma nuque, Edi­tions lit­te­ra­ture mineure, Rouen, 2017 — 8,00 €.

 

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Filed under Erotisme, Poésie

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