Nuits d’ivresses, Movida et cinquantaine
Une rupture cela peut tout foutre en l’air. Mais elle peut parfois éviter la séquestration après l’enlèvement de l’amour premier. Lâchée par son mari sous prétexte d’une seule « faute » commise, Mathilde va vivre enfin sa vie et pouvoir s’offrir sa propre anthropologie du sexe, des rencontres, de l’amour sur les ramblas de Barcelone. Ils mènent donc ici à la mère. Elle bifurque vers les ruelles et décuple ce « girl power » chère aux Spice Girls de naguère afin de pousser plus loin l’acmé des plaisirs tout en évitant paradoxalement bien des attouchements.
Car pour être gourgandine sur le retour on n’en n’est pas moins une femme au vaste programme sur la philosophie existentielle et sexuelle — même si au départ l’héroïne n’est pas sur ce plan un grande sartreuse. Mais pour grimper à Monjuic nul besoin d’être au Mont de Vénus ce que Charly Gaul fut au mont Ventoux.
Le pont entre une ancienne et une nouvelle vie réserve des surprises d’autant qu’en absence de parapets et d’un manque de pratique la chute est toujours possible. Pour autant, Hélène Couturier ne fait jamais dans le pathos. Les nuits de son héroïne ressemblent à celles des reines queer d’Almodovar. Et les êtres que rencontre l’héroïne ont des joyaux (pas forcément de la couronne) à double valeur. Non seulement ils sont faits pour orner le corps mais ils décuplent par leurs formes et leurs attraits certains empires des sens.
Néanmoins, le livre n’est pas un manuel de mauvaise conduite en pays catalan. Certes, existe un côté bible du boudoir, guide du plaisir sans tabou mais l’auteure ne prend pas les lectrices et lecteurs pour des jambons (même en Ibérie ils sont toujours de qualité : Belota, Cebo, Serrano, Pata Negra qu’importe). L’économie libidinale doit moins à Reich ou à une idéologie new-age californienne qu’à un plaisir d’exister en dépit des durs principes de la réalité. L’hidalgo est un loup pour la femme. Et certaines d’entre elles ne valent pas mieux. Mais l’héroïne une fois la candeur passée avance plus en sagesse qu’en âge. En quelques mois elle a rajeunit de plusieurs années.
Son désir,elle l’a gardée afin de nier les années par le jeu de la vie, de l’amour et du hasard. L’ex-mari rage sans doute d’un tel marivaudage. Il s’est lui-même piégé en offrant à celle qu’il a répudiée la lumière au milieu de la nuit barcelonaise. L’égarement devient sans limite. Et où ses amants se perdent, ils ne se sentent jamais si sublimement humains.
L’attention qu’ils se portent (lorsque c’est le cas) leur permet de vivre éblouis des ivresses que généralement leur pesanteur interdit. Ils deviennent plus fines lames de Tolède qu’âne d’un Pança (au sang chaud) pour cette nouvelle Dulcinée du Toboso.
jean-paul gavard-perret
Hélène Couturier, Il était combien de fois, Le Dilettante Editions, Paris, 2017, 160 p. — 15,00 €.
Bonsoir, je n’ai pas tout compris mais le beaucoup que j’ai compris m’a beaucoup amusée et donc merci d’avoir pris ce temps pour lire et critiquer ce texte qui me touche beaucoup et pas seulement parce que je l’ai écrit mais parce qu’à travers lui je suis enfini parvenue à raconter une des sensations qui m’intéressent le plus dans cette existence si morcellée : le désir. Bonne nuit. Hélène.