Ce livre est fondamental pour qui veut comprendre de l’intérieur l’œuvre de Pierre Tal Coat. Dirigés par celui qui contribua largement à la faire connaître par la galerie et les Editions Clivages (Jean-Pascal Léger), ces entretiens montrent la problématique esthétique et existentielle de celui qui affirme : « Nous ne vivons que de l’à peu près, toujours, c’est en courant après cet à peu près que nous vivons. C’est notre être ».
Pour autant, cette course à l’échalote réclame un travail de précision. Dans ce but, l’artiste rejette les peintures acryliques et à l’huile. Elles sont au plus secondaires et lorsqu’il utilise la seconde c’est sous forme de « boue gelée ». Mais ce qui l’intéresse reste le dessin, car il met en évidence la structure comme si la matière peinture ne fomentait qu’un effondrement en lieu et place d’une expansion significative.
En effet, Tal Coat se veut un peintre de l’expansion : mais elle prend chez lui une dimension particulière. Il ne s’agit pas de reproduire du réel mais d’en appeler à ce que l’artiste nomme « ciel » : il n’existe pour lui pas de perception sans ce dernier. Mais il n’est pas considéré comme une entité de l’ordre de l’éther vague : « il est à vos pieds, il s’est abîmé à vos pieds ». Car le moindre reflet ou trace du soc dans la terre implique le ciel.
Lui seul donne forme en la révélant. Cela demande un long exercice solitaire de réflexion et de création. L’art réclame cette rigueur pour atteindre les rapports minimalistes essentiels qui sont apparemment ce que Beckett nomma « des absences de rapports». Mais qui en fait ne sont que l’effacement des schémas qui préexistent.
Si bien que la création de Tal Coat, l’élévation terrestre de son travail passent par tout une « prise » quasi-minimaliste et de retranchement mais dans laquelle l’espace demeure ouvert. Existe dès lors non un commentaire ou une narration du visible mais sa “décréation”-recréation en une jonction avec ce qui est nommé « nature ». D’où, souvent dans l’œuvre, un renversement : le noir et blanc crée la couleur, l’art ouvre à la méditation.
Le texte par sa profondeur devient un belvédère capable d’orienter tous les amateurs d’art. Et les professionnels aussi.
jean-paul gavard-perret
Pierre Tal Coat, L’Immobilité battante, entretiens avec Jean-Pascal Léger, L’atelier contemporain, Strasbourg, 2017, 120 p. — 20,00 €.