Irving Penn, Centennial (exposition)

L’angoisse et le temps

Irving Penn resta fidèle à une règle : « Je ne pho­to­gra­phie pas ce que je vois. Cela ne m’intéresse pas. Je ne pho­to­gra­phie que ce qui m’intrigue. » Toute son œuvre le prouve. Long­temps boudé , il reste un des créa­teurs les plus per­fec­tion­nistes et tor­tu­rés. Il béné­fi­cie enfin d’une rétros­pec­tive exhaus­tive au MET. Bref, près de chez lui. Ou presque. Car, très dif­fé­rent de ses col­lègues, il vécut à l’écart des fra­grances et fra­cas de Man­hat­tan. Il habi­tait une ferme de Long Island et reve­nait dans son stu­dio (bap­tisé par ses proches « L’Hopital ») quelques jours par semaine. Il y tra­vailla pen­dant plu­sieurs décen­nies dans le silence et par­fois avec son épouse Lisa Fons­sa­grives, un des grands top-modèles des années 50.
Pas­sionné par la fixité de l’image, la pho­to­gra­phie resta pour lui un sacer­doce et un labo­ra­toire d’expériences visuelles propres à peau­fi­ner ses célèbres tirages au pla­tine. Frère du cinéaste Arthur Penn, il resta tou­jours muet sur son enfance. Il étu­dia le design mais rêvait de pein­ture qu’il pra­ti­qua avant de tout détruire, de s’engager dans US Army puis de deve­nir l’assistant d’Alexander Liber­man, direc­teur de Vogue. Sur ses conseils, il com­mence à pho­to­gra­phier. Il tra­vaille un temps à Paris. Robert Dois­neau et Robert Giraud deviennent ses rabat­teurs car il est trop timide pour abor­der des modèles…

Progres­si­ve­ment, il mène deux acti­vi­tés paral­lèles : com­mer­ciale pour Vogue, expé­ri­men­tale pour entre­prendre une explo­ra­tion de son monde inté­rieur. A ce titre, celui qui déteste les ciga­rettes pho­to­gra­phie les mégots. Et sou­cieux d’une pro­preté cli­nique pour son stu­dio, il y accu­mule des sacs pou­belles afin de mener à bien cer­tains pro­jets. Le pho­to­graphe demeura en effet fas­ciné par la fuite de temps et la déchéance des êtres et des objets.
La mort rode tou­jours dans son tra­vail. Et comme l’écrit Jean-Jacques Nau­det,  Penn resta à « la recherche abso­lue de la per­fec­tion dans l’angoisse ». Son tra­vail demeu­rera dans l’histoire de la pho­to­gra­phie un point de perfection.

jean-paul gavard-perret

Irving Penn, Cen­ten­nial, 24 avril – 30 juillet  2017, The Met, New York.

 

 

 

 

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