Christelle Dabos, La passe-miroir

De l’autre côté des miroir

En signant une saga fan­tas­tique hors du com­mun,  Chris­telle Dabos, pour­rait bien récon­ci­lier plus d’un lec­teur avec la lit­té­ra­ture jeu­nesse, ou plu­tôt jeunes adultes. Sa pro­fon­deur psy­cho­lo­gique et la qua­lité de sa plume la font entrer d’emblée au pal­ma­rès des plus grands. Et il serait bien dom­mage de ne voir en La passe-miroir qu’ un simple roman pour ado­les­cents, car la richesse de son uni­vers est époustouflante.

Ophé­lie a quitté l’Arche d’Anima pour épou­ser un total inconnu issu du clan des Dra­gons sur l’Arche du Pôle. Une alliance impo­sée par sa famille et les res­pon­sables de son Arche, mais dans quel but exac­te­ment ? Ophé­lie, der­rière sa myo­pie et sa mal­adresse, cache quelques dons sin­gu­liers : celui de tra­ver­ser les miroirs, mais elle peut sur­tout lire le passé de n’importe quel objet. Ce sont ses talents de liseuse qui semblent par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­ser Farouk, l’Esprit de famille du Pôle. En épou­sant Thorn, elle lui trans­met­tra ses dons, et il pourra ainsi lire le Grand Livre, qui cache­rait les secrets du passé de Farouk, et de la créa­tion des Arches.
Mais Ophé­lie n’est pas un pion si simple à mani­pu­ler. Contrainte tout d’abord à cacher sa véri­table iden­tité dans un monde rem­pli de dan­gers (1
er tome), elle fait son entrée à la cour de Farouk au début du second volet de ses aven­tures. Elle doit se mon­trer plus méfiante que jamais face aux intrigues de la cour, et ne peut vrai­ment faire confiance qu’à sa tante qui lui sert de cha­pe­ron. Pour­tant son futur époux, aussi froid que le monde qui l’habite, semble lui por­ter un inté­rêt gran­dis­sant et veut la pro­té­ger du monde qui a fait de lui un paria, craint et mal aimé. De liseuse, Ophé­lie est pro­mue conteuse de Farouk, mais cette nou­velle situa­tion lui attire une fois encore bien des ennuis.
Au centre d’un com­plot mor­tel, Ophé­lie doit faire preuve de toute sa saga­cité, pour ne pas être la pro­chaine vic­time des dis­pa­ri­tions qui deviennent de plus en plus nom­breuses et qui touchent de hauts digni­taires de la cour. Ophé­lie et Thorn vont devoir allier leurs forces, et leur intel­li­gence. Alors même que leur mariage se rap­proche, les enjeux deviennent cru­ciaux et vitaux. Mais le mariage pourra-t-il vrai­ment avoir lieu ? Et quels secrets recèlent le Grand Livre ? Une course contre la montre a commencé…

La passe-miroir est une saga qui tient réel­le­ment du génie. Chris­telle Dabos s’est lan­cée dans l’écriture en 2012 et s’est aus­si­tôt faite remar­quer en rem­por­tant en 2013 le concours du pre­mier roman jeu­nesse orga­nisé par la mai­son d’édition Gal­li­mard. Elle se consacre depuis à l’écriture, à juste titre d’ailleurs. Car dès les pre­miers cha­pitres, on est séduit par l’inventivité extra­or­di­naire et la qua­lité d’écriture. Avec une héroïne aty­pique, qui tient plus de l’anti-héroïne, le lec­teur est amené à voya­ger à tra­vers un monde ‘éclaté’ divisé en plu­sieurs arches, qui recèle bien des mys­tères.
Ophé­lie n’a rien de la belle prin­cesse, cour­ti­sée par tous les hommes, bien au contraire, elle se moque des appa­rences (de la sienne en par­ti­cu­lier) et ne pense qu’à lire, et à conser­ver les Archives d’Anima. Son des­tin bas­cule avec ce mariage forcé avec un homme, qui tient plus de la Bête lui aussi que du prince char­mant. Deux êtres déchi­rés et au centre d’un com­plot que tout sépare, mais qui se dévoilent beau­coup plus dans le second tome. On pourra donc retrou­ver dans cette série un roman­tisme oublié, empreint par­fois de cynisme, mais aussi d’humour.

Lauteure à l’imagination débor­dante n’a rien à envier à une J.K Row­ling. Cepen­dant, ici pas de bes­tiaire incon­gru, mais un uni­vers créé avec ses per­son­nages atta­chants aux pou­voirs sur­pre­nants. Son monde post-apocalyptique peut par­fois faire pen­ser à celui de Pull­man. En effet, l’intrigue repose aussi sur la créa­tion de ce monde, sur la Créa­tion en géné­ral, et dis­tille de nom­breuses réfé­rences, tant mytho­lo­giques, que mys­tiques, sans tou­te­fois débor­der vers le roman phi­lo­so­phique. On est bien dans le fan­tas­tique, mais en tra­ver­sant les miroirs avec Ophé­lie, on découvre des facettes bien sombres des images et des per­sonnes qui s’y reflètent. En pas­sant de l’Autre Côté, on ne sait jamais ce que l’on va décou­vrir.
En par­cou­rant ces pages, on devient un peu Liseur nous aussi, et on com­prend que le don d’Ophélie tient plu­tôt par­fois de la malé­dic­tion. On tourne les pages de plus en plus vite, quitte à se brû­ler à ses côtés, et le sus­pense pré­sent dans les der­nières pages nous fait attendre la suite avec une impa­tience dévorante.

franck bous­sard

Chris­telle Dabos, La passe-miroir, Gal­li­mard Jeu­nesse 2015/ 2016
— t. 1 : « Les fian­cés de l’hiver », 568 p. — 8,65 €.
— t. 2 : « Les dis­pa­rus du Clair­de­lune »,  560 p. — 19,00 €.
– t. 3, La mémoire de Babel,  à paraître prin­temps 2017.


 

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