Exposer l’être ne revient pas forcément à le montrer de manière anthropologique surtout lorsqu’il s’agit de décliner les monstres qui l’habitent lorsque le sommeil arrive. Ils ne font pas forcément sa débauche, sa pusillanimité, son absence de vertu. Mais Tamina Beausoleil, dans ses visions nocturnes, impose son “ Tu dois regarder, regarde ”. Plutôt que d’exhiber la chair, l’image accouche de l’ours, de la biche comme du loup. Elle met au dehors la violence du dedans dans un surgissement volcanique.
Le couteau à dissection n’est plus là — comme dans les précédentes œuvres — pour ouvrir les entrailles gonflées de faune. Ici l’animal rit au moment où l’artiste nyctalope le saisit loin de toute chirurgie. Une autre face du monde se déploie. Tout s’éloigne du reflet. L’image dérive vers l’animal et permet de visualiser un innommable. Restent les hululements d’oiseaux nocturnes, les feulements de louve, le grognement de l’ours et le passage de belettes et de petits lapins de terre. La force primitive et animale parle au plus profond. La bête racle l’image loin de tout idéalisme ou romantisme. L’être n’a pas besoin d’autre pitié, et l’animal lui-même n’espère rien des hommes.
Peau, pelage, corne, museau font l’être humain un et innombrable. Il est de l’ordre de l’antre et de la bauge qui accouche chaque nuit de la chimère. Preuve que notre inconscient demeure animal. Un rat musqué nous méduse là où Tamina Beausoleil nous recouvre d’un manteau de visions. Lequel rappelle la vie d’avant le jour et d’avant le langage.
Il convient d’entrer dans son épaisseur où nous nous débattons avec nos bestioles non sans ambiguïté et hérésie.
jean-paul gavard-perret
Tamina Beausoleil, Autour de la Source, Galerie de la Voute, Paris, 2017.