Blake Crouch, Dark Matter

Et si votre vie…

Blake Crouch est un roman­cier amé­ri­cain œuvrant dans la science-fiction, l’horreur et le thril­ler. Il a atteint une cer­taine célé­brité avec Way­ward Pines, la tri­lo­gie ayant servi de base à la série télé­vi­sée. Il part, pour le pré­sent roman, du prin­cipe que notre exis­tence n’est qu’une suc­ces­sion de choix, des choix mineurs qui n’entraînent pas de grosses modi­fi­ca­tions dans le par­cours, des choix plus impor­tants, lourds de consé­quences qui inflé­chissent une vie entière. Jason est un brillant phy­si­cien qui a fait un choix, celui d’une vie fami­liale qui, à défaut d’être heu­reuse, est har­mo­nieuse. Il par­tage une vraie com­pli­cité avec Daniela et il est fier de son fils en qui il retrouve les capa­ci­tés de sa mère. Pour cela, il a mis de côté la pour­suite de ses recherches et, s’il reste dans son domaine, c’est en tant qu’enseignant dans un col­lège. Daniela, de son côté, a pris la même déci­sion, oubliant les ambi­tions d’une artiste pour­tant pro­met­teuse. C’est un de leurs amis qui brille dans le domaine scien­ti­fique.
Dans une autre vie, il a quitté Daniela quand elle lui a annoncé qu’elle était enceinte de ses œuvres…

De tra­di­tion, le jeudi soir est réservé à la soi­rée fami­liale entre Jason, Daniela et Char­lie, leur fils. Pro­mis à un brillant ave­nir de phy­si­cien, pour lui, d’artiste pour elle, ils ont fait une croix sur leurs ambi­tions, quinze ans plus tôt, pour vivre une vie de famille et éle­ver leur fils né pré­ma­tu­ré­ment.
Ce soir, Ryan Hol­der, fête dans un bar proche, son prix Pavia qui récom­pense ses tra­vaux dans le domaine des neu­ros­ciences. Daniela pousse Jason à aller le féli­ci­ter le temps de finir de pré­pa­rer le repas. En quarante-cinq minutes, il a lar­ge­ment le temps de voir son ami, de boire un verre et de reve­nir pour débu­ter le dîner.Quand il res­sort du bar, un homme mas­qué le menace, l’entraîne dans un lieu désert, le ques­tionne sur sa vie, sur ses sen­ti­ments, puis le frappe et le laisse inanimé. Jason reprend conscience quand on le tire par les che­villes et qu’on l’installe sur un bran­card. Il est accueilli comme un héros par toute une équipe. Il apprend qu’il est parti depuis qua­torze mois et qu’il a réussi à reve­nir…
Tota­le­ment aba­sourdi, ne com­pre­nant rien à ce qui lui arrive, il veut retrou­ver sa famille et sa mai­son. Il réus­sit à s’échapper, découvre à la bonne adresse une demeure dif­fé­rente de celle qu’il connais­sait, sans traces de Daniela ni de Char­lie, mais avec un cer­ti­fi­cat lui attri­buant le prix Pavia pour ses avan­cées dans l’état de super­po­si­tion quan­tique. Puis après quelques péri­pé­ties — il est seul, sans moyens dans une ville deve­nue étran­gère -, il apprend qu’il n’a jamais épousé sa femme et qu’il est un brillant scien­ti­fique.
Dans quel monde est-il ? Est-ce l’univers qu’il sou­hai­tait incons­ciem­ment ? Jason se lance dans voyage dan­ge­reux à tra­vers le temps et l’espace, un voyage qui le confronte avec les sombres pro­fon­deurs de son âme…

Jouant avec des concepts de phy­sique quan­tique, l’auteur mul­ti­plie ainsi les pos­si­bi­li­tés d’existences en fonc­tion de choix dic­tés par le hasard ou assu­més plei­ne­ment. Il mul­ti­plie aussi les dif­fi­cul­tés de Jason, le pla­çant dans une série de situa­tions toutes plus mou­ve­men­tées les une que les autres, toutes plus désta­bi­li­santes pour le héros qui tente de trou­ver la réa­lité, sa réa­lité ou une réa­lité fan­tas­mée. Paral­lè­le­ment, le roman­cier déve­loppe des rela­tions sen­ti­men­tales fortes entre les deux prin­ci­paux per­son­nages autour du couple dont il fait le pivot de son intrigue. Il intro­duit la fameuse expé­rience du chat de Schrö­din­ger qu’il applique d’une cer­taine façon à son héros.
Le roman­cier pro­pose nombre de réflexions sur la vie, sur ces choix conscients ou incons­cients que tous sont ame­nés à faire et qui impactent un futur. Com­ment cha­cun aurait évo­lué si, au lieu de faire ceci, il avait choisi cela… Il fait dire à un moment : ” Je ne suis qu’une facette de Jason parmi une infi­ni­tés d’autres.” La quête d’une vie alter­na­tive, d’une vérité est au cœur de l’intrigue. À un autre degré, il illustre la démarche de ces per­sonnes qui se “recon­ver­tissent” dans une acti­vité bien dif­fé­rente de celle exer­cée aupa­ra­vant, par­fois pen­dant de longues années.

Avec Dark Mat­ter, Blake Crouch donne un magni­fique roman qui mêle des thèmes de science-fiction, de fan­tas­tique à la toni­cité d’un thril­ler tout en inter­ro­geant sur le sens de la vie et ce qu’on en fait. Sommes-nous heu­reux dans ce que nous sommes ? Aurions-nous pu faire différemment ?

serge per­raud

Blake Crouch, Dark Mat­ter (Dark Mat­ter), tra­duit de l’anglais –États-Unis — par Patrick Imbert, Edi­tions J’ai Lu, coll. “Nou­veaux Mil­lé­naires”, jan­vier 2017, 352 p. – 19,90 €.

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