Le caillou dans la chaussure des écoles et des styles
Né en 1907, Jean Couty réalise ses premiers dessins au crayon dès l’âge de 11 ans. A 15 ans, il rencontre l’architecte lyonnais Tony Garnier qui lui conseillera plus tard de s’orienter vers la peinture. Mais il fait d’abord ses gammes au Beaux-Arts de Lyon dans la classe d’architecture où il obtient le premier prix d’archéologie. Admirateur de Gustave Courbet, en 1927 il peint ses premières compositions et en 1931, après une visite à l’Hôpital du Vinatier, il crée ses premiers tableaux majeurs : la « Parabole des fous », puis les “Hauts-Fourneaux” de Rives-de-Gier. Il rejoint en 1935 le groupe « Les Nouveau » (Pelloux, Besset, Carlotti. etc.) et commence à exposer régulièrement (aux Indépendants, au Salon d’Automne entre autres).
Katia Granoff présente sa première exposition à Paris et devient sa galeriste. Son « Le Bénédicité » y est admiré par Picasso. En 1954, au « Salon des Peintres Témoins de leur Temps » à Paris, sa série de dessins sur les banlieues industrielles fait sensation. En 1959, il commence une série consacrée aux Eglises romanes et est le premier à illustrer les billets de la Loterie Nationale ! Peintre « réaliste » reconnu en 1971, la Maison de la Culture de Bourges présente sa première rétrospective suivie d’une grande exposition au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris : « Les chantiers de ce temps » .
Le nouveau musée va permettre de retrouver un peintre qui a perdu de son lustre mais qui reste avant tout un portraitiste remarquable. A côté des paysages et natures mortes, ce genre donne toute la dimension à une oeuvre qu’il ne convient pas de réduire au réalisme. Couty en saute la barrière, pour affronter des visions dans une sorte de décoction où le réel (dans ses tableaux de religieuses par exemple) devient fantastique. L’artiste casse toujours le sens des rites attachés à une école ou un style. Il fut le caillou dans leur chaussure.
Autour de ses oeuvres tournent parfois des corbeaux noirs dans un ciel de Van Gogh et un fonds d’espace de Van Eyck. L’eau couche avec la pierre. La vase des bords de Rhône se lace aux lenteurs des sables. Mais demeure avant tout la force des portraits, les accrocs dans la soierie de leurs costumes et parfois de leur nudité… Un ange ou un diable les tire par les pieds. Mais Couty les guérit de la maladie du temps. Son peuple intérieur les chevauche. Si bien que la fusion dans le réel est toujours décalée entre gravité et insidieux humour.
jean-paul gavard-perret
Musée Jean Couty 1 place Henri Barbusse, Saint-Rambert — L’Ile Barbe, 69009 Lyon