Se mettre au vert : Théodora Mann
Pour Théodore Mann, le vert n’est pas une simple couleur ou une symbolique. Il trouve chez lui le poids de l’être. Il est donc bien plus qu’une surface de recouvrement. Le jeune peintre plonge dedans, il devient plus que son chemin : sa peau, son inter-face ou sa face interne soudain retournée. Bref, tout passe à travers. Et sans la peur de s’y noyer. Mann y disparaît au plus profond d’un trou et par effet de pans pour en faire émerger d’étranges reliefs lumineux mais opaques. Le reste n’existe plus — seul compte le geste. Et la matière.
Par cette couleur, l’artiste se transforme en scribe d’un genre particulier. Plus besoin de prose mais le travail de la main ivre de ses potentialités au premier rayons de lune — Mann travaillant souvent de nuit et dehors avec une telle passion qu’il en oublie le froid pour fomenter ses « structures sentimentales ». Elles n’ont rien de métaphores lyriques. Lignes, gravures, plans définissent non des espaces mais des poids là où le papier n’est plus support, lit ou suaire mais corps du créateur.
Il ne s’agit plus d’un rivage mais de la maison même de l’être où s’agitent des mouvements premiers, intérieurs, pulsionnels dans un parfait équilibre des angoisses et des tourments. Plus besoin de monter sur des grands chevaux de l’art qui ne sont que des viandes froides.
Tout ici fait sens : il n’existe pas de cosse ou de fosse à l’insouciance.
jean-paul gavard-perret
Théodore Mann, Période verte – 2016, Galerie Mottet, Post-War et contemporain, Chambéry, du 21 janvier — 25 mars 2017.