Le maître ès-arts martiaux pose les armes. Et nous donne une belle leçon de courage sur cet album sacrément risqué
Il est des auteurs à ce point discrets qu’on n’ose les évoquer, de peur de troubler leur quiétude créatrice. Un exemple ? Vink. Dont la constance qualitative nous avait assez anesthésiés pour qu’on s’habitue à n’en plus parler. Mais voilà : loin, très loin des aventures médievo-martiales du Moine fou, le dessinateur vietnamien prend ici tous les risques, avec un album à la trame onirique, exempt de toute scène de combat d’arts martiaux, et dont le style graphique parfaitement inédit devrait effrayer jusqu’au moins pavlovien de ses fans.
Habitués à l’étrange finesse aquarellée de la violence mise en scène dans les albums du Moine fou, on reste en effet d’abord interdits à la lecture des aventures sucrées de ce Passager, Charles, qui, emporté par son cerf-volant géant, se réveille dans une contrée hors du temps, peuplée de créatures improbables. Mais l’on finit par accepter avec gratitude cette Traversée, d’abord parce qu’un dessin pareil ça ne se refuse pas, mais aussi parce qu’on ne peut envisager une seule seconde que Vink prenne autant de risques graphiques et scénaristiques sans avoir parfaitement fourbi son scénario. A suivre.
d. perez
Vink, Le passager — Tome 1, “La traversée des nuages”, Dargaud, 2003, 48 p. — 12,60 €.