À la croisée entre médiéval fantastique et anticipation
Après L’Autoroute sauvage et Horlemonde, les Humanoïdes Associés mettent en images un nouveau roman de Julia Verlanger, La Croix des Décastés sous le titre Les Décastés d’Orion, en deux albums. L’adaptation en est confiée à Corbeyran, un scénariste à l’inépuisable curiosité, et l’adaptation graphique est assurée par Jorge Miguel. Celui-ci, de nationalité portugaise, a fait ses études en France et travaille régulièrement avec l’éditeur.
Une navette, qui survole une planète sauvage, est endommagée par l’attaque d’un énorme monstre marin. La pilote est contrainte de se poser pour réparer.
La caste des Officiants, des religieux, poursuit le même but depuis des années : affaiblir la caste des Guerriers. Kohlen tombe dans le piège tendu par Liséa, la Grande Prêtresse de la fertilité, qui l’accuse d’avoir voulu la déshonorer dans le temple. Il est condamné aux travaux forcés et à être décastré. Dans la prison où il attend sa déportation vers les mines, Tryana, une jeune femme, l’aborde se présentant de la caste des Chasseresses. Elle est là parce qu’elle a vu une chose extraordinaire, un chariot volant, un homme blond accueilli par des Officiants et porteur d’une arme inconnue mais terriblement efficace. Kholen reste sceptique.
Pendant leur transfert, les deux complices trouvent l’occasion de s’évader et rejoignent une troupe de cirque où Tryana se révèle sous son vrai jour. Elle fait partie de la caste des Artistes et est écuyère. Si elle a menti, c’est pour ne pas être méprisée par un guerrier venant d’une caste qui s’estime supérieure. Alors qu’ils vont faire leur numéro, la jeune femme repère dans le public le magicien blond en compagnie d’un marchand. Dans la nuit, chez le commerçant qu’ils malmènent un peu pour faciliter les confidences, ils apprennent que les castes des Officiants et des Marchands complotent avec cet homme. Contre du minerai de Fer de lune, il leur livrera ces armes exceptionnelles qui leur permettront de conquérir de nouveaux territoires commerciaux et de soumettre des régions rebelles.
Kholen et Tryana décident de rejoindre la capitale pour empêcher ce complot d’aboutir et au guerrier d’assouvir sa vengeance…
Éliane Taïeb, née Grimaître, a fait paraître, sous le pseudonyme de Julia Verlanger, dans les années 1950 une vingtaine de nouvelles dans des revues telles que Fiction, Galaxies… Elle revient à la littérature en 1976 d’abord au Masque sous son ancien pseudo et entre dans la collection Anticipation du Fleuve Noir avec Les Hommes marqués. Elle prend le nom de Gilles Thomas car, à cette époque, les femmes n’avaient pas le droit de cité, à découvert, chez cet éditeur. Peut-être estimait-il que seuls des hommes pouvaient être capables d’imaginer de magnifiques récits d’anticipation, des space opera flamboyants. C’est ainsi qu’elle donna à la science-fiction, en quelques années, une quinzaine de joyaux.
Pour ce roman, paru en 1977, Corbeyran prend quelques libertés avec le texte d’origine, remplaçant, par exemple, le compagnon avec lequel le héros s’échappe sur le chemin du bagne par la jeune et jolie Tryana, développant ainsi une direction nouvelle dans les relations du duo. Cependant, il livre une histoire riche en actions, des actions qui s’enchaînent les unes aux autres sans temps morts, peut-être un peu trop rapidement, les liaisons s n’étant pas toujours très évidentes et explicites. Mais ces raccourcis s’expliquent, sans doute, par la nécessité de ramener un récit dense de quelques deux cents mille signes en un scénario de deux albums.
Le graphisme est assuré de façon efficace par Jorge Miguel qui a déjà signé pour les Humanos, le premier tome de Seuls survivants, Arène des Balkans, Z comme Zombies. Il propose d’une galerie de personnages attractifs, de belle facture, au dynamisme bien rendu, placés dans des décors qui, sans être grandioses, sont travaillés et d’un bel effet.
Un premier album fort plaisant qui donne une furieuse envie de relire le roman, un petit bijou par une auteur si talentueuse.
serge perraud
Corbeyran (scénario), Jorge Miguel (dessin et couleurs), Les Décastés d’Orion, “Première partie”, Les Humanoïdes Associés, janvier 2017, 48 p. – 13,95 €.