L’herne, Cahier Houellebecq

Houl­le­becq à l’Herne

Houel­le­becq est bien sûr incon­tour­nable. Néan­moins, il n’est pas pro­phète ni celui qui, pré­voyant la catas­trophe, en serait la cause. Le Cahier de l’Herne affirme en offrir une vision inédite. De la mosaïque de l’ensemble comme de sa « fic­tion » du per­son­nage, on retien­dra sur­tout les textes inédits où le cli­ché du nihi­lisme est contre­carré par un cer­tain opti­misme. Dra­ma­turge, cinéaste, acteur, pho­to­graphe, poète, phi­lo­sophe (au sujet de Scho­pen­hauer) et roman­cier bien sûr, l’auteur reste une « hydre » plu­tôt indé­fi­nis­sable en dépit de sa sur­ex­po­si­tion média­tique.
L’ironie géné­rale de l’entreprise reste néan­moins mini­mi­sée dans ce Cahier. Il est vrai que l’auteur se veut inas­si­gnable dans sa manière de rendre compte du monde sans qu’il res­sente lui-même le besoin de rendre des comptes. Certes, il est tou­jours ten­tant de « socio­lo­gi­ser » l’auteur. Il n’en a pas besoin. Et de toute façon, il s’en fout. Car il a mieux à faire. Sa « comé­die humaine » n’a plus rien à voir avec celle de Bal­zac. L’élucidation n’est pas du même ordre même si Houel­le­becq comme Bal­zac donne à lire son époque.

Si  La carte et le ter­ri­toire  cherche à rendre compte du monde, l’auteur déjoue les pistes, ne s’enferme jamais dans une thèse qui par­le­rait du haut d’une chaire « sar­trienne ». Sa vision du monde est tou­jours dis­tan­ciée et amu­sée mais il n’est pas sûr que les textes cri­tiques réunis ici sou­lignent la force d’une œuvre qui cherche moins à racon­ter des his­toires qu’à don­ner des frag­ments de sens comme dans Exten­sion du domaine de la lutte.
Les points de vue de Houel­le­becq ont le mérite de mon­trer des aspects des « lois du mar­ché » où le libé­ra­lisme conta­mine la sexua­lité. Elle est pour Houel­le­becq cen­trale mais non uni­voque. Pen­sant le libé­ra­lisme comme le ter­ro­risme (cf. Pla­te­forme), l’auteur est avant tout un créa­teur, un poète et bien plus qu’un socio­logue, un éco­no­miste ou un politicien.

L’auteur rayonne à par­tir des modes de vie sans pro­po­ser un sys­tème. A peine un miroir. Si bien que tous les fan­tasmes autour de l’œuvre sont pos­sibles. Ils sont nom­breux dans la contri­bu­tion des cri­tiques de ce Cahier où néan­moins la lit­té­ra­ture de Houel­le­becq s’inscrit en creux. Peu ou prou, les auteurs veulent le tirer du côté de la morale. Or la res­pon­sa­bi­lité de Houel­le­becq est d’un autre ordre. L’auteur ne cherche pas à agir sur le monde : il le dit parce qu’il a quelque chose à dire mais s’en amuse avec ambi­guïté, dans sa folie du sage qui tourne en ridi­cule tous les spé­cia­listes en « –ique » qui pré­tendent l’appréhender.

jean-paul gavard-perret

L’herne,  Cahier Houel­le­becq, diri­gié par Agathe Novak-Lechevalier, Edi­tions de l’Herne, Paris, 2016, 384 p.

1 Comment

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One Response to L’herne, Cahier Houellebecq

  1. Alain

    Houel­le­becq est pro­ba­ble­ment l’auteur contem­po­rain le plus sur­es­timé de sa géné­ra­tion. Dans une tren­taine d’année il ne res­tera qua­si­ment rien de son œuvre. Tout juste le sou­ve­nir des polé­miques savam­ment sus­cité par son staff tech­nique. L’admiration de quelques racistes bon teints bien sur.. J’échange sans pro­blème toute l’œuvre passé et à venir de Houell­becqu contre un demi para­graphe de n’importe quel livre de Dos­toïevski ou de Le Cle­zio. Adulé par les neu­ras­thé­niques chi­chi­teux et autres pro­phètes d’un ave­nir mor­bide, cette curio­sité lit­té­raire sera vite oublié d’ici quelques sai­sons. Dans quelques années on trou­vera ses livres dor­mants sur des éta­gères de vieilles bro­cantes et seul le calage de quelques vieilles tables ban­cales néces­si­te­ront leurs achats, à condi­tion de les avoir pour pas cher.

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