Serge Brussolo, L’oiseau des tempêtes

Mais la tem­pête n’est pas que pour l’oiseau !

Artus de Bre­gan­nog, de petite noblesse bre­tonne, vit chi­che­ment sur ses terres. En dis­grâce, il a été envoyé aux Amé­riques pour mater la rébel­lion des Indiens. Il a fait preuve d’une cruauté sans pareil à la tête d’une meute de molosses, aidé par Cha­vral, son garde-chasse. Il a sur­vécu à une flèche empoi­son­née, mais le venin conti­nue de pro­gres­ser l’entraînant vers la folie. Il se rêve en pirate et dépense le peu d’argent qui lui vient de son acti­vité de nau­fra­geur pour remettre en état une épave qu’il bap­ti­sera L’oiseau des tem­pêtes.
Pour récom­pen­ser Alexandre Loi­seux de ses bons soins il auto­rise ce vété­ri­naire, devenu par la force des choses son méde­cin, à prendre femme. Une marieuse dégote Marie-Laurence, une jeune veuve, ancienne comé­dienne de la troupe de Molière, mère de Marion, une fillette de dix ans. Marie-Laurence sombre peu à peu dans la folie alors que sa fille, qui gran­dit, attise la concu­pis­cence de Cha­vral. Celui-ci n’en peut plus depuis qu’il la vue nue dans les bras d’un jeune ber­ger. Cepen­dant, elle se refuse farou­che­ment à lui. Il per­suade Artus de faire réa­li­ser une nou­velle figure de proue pour rem­pla­cer celle qui a dis­pa­rue et qui semble pour­suivre le baron. Mais il faut, pour que celle-ci soit char­gée d’une puis­sance quasi magique, sacri­fier le modèle et répandre son sang des­sus. Le mieux est une femme. Elles naissent toutes sor­cières. Bre­gan­nog com­prend que Cha­vral lui désigne Marion. Il accepte tant il veut écu­mer les mers. Le garde-chasse recrute un sculp­teur réfu­gié à Rouen parce qu’il est recher­ché par les troupes du roi.
Voyant cet homme qui la regarde constam­ment et qui cache les des­sins qu’il réa­lise, Marion subo­dore qu’il se trame quelque chose jusqu’au moment où Alexandre la presse de fuir car sa vie est mena­cée. Fuir, mais com­ment et pour où ?

Avec L’oiseau des tem­pêtes, Serge Brus­solo renoue avec quelques-uns de ses leit­mo­tivs pré­fé­rés, à savoir l’installation d’une menace, d’un cli­mat angois­sant ren­forcé par des élé­ments de fan­tas­tique, des clans de per­son­nages sin­gu­liers et une action omni­pré­sente. Ce péril dif­fus jette dans une course en avant, dans une suite d’aventures effré­nées ceux qui en sont vic­times avec toutes les péri­pé­ties induites. L’intrigue est ren­for­cée avec une dose de fan­tas­tique qui fait sourdre l’angoisse quant à ce qui attend l’héroïne ou le héros. Il intègre un niveau plus géné­ral pla­çant un groupe d’individus dans une situa­tion délic­tueuse ou déli­cate. Ici le baron et ses vil­la­geois sont des nau­fra­geurs, une pra­tique qui emmène, a minima, tout droit au bagne. Et puis il mul­ti­plie à l’envi les péri­pé­ties, fai­sant vivre à ses héros une série d’aventures, leur fai­sant ren­con­trer des gale­ries de per­son­nages hauts en cou­leurs, comme sait si bien les ima­gi­ner le roman­cier. Et la menace est tou­jours là, tou­jours pré­sente comme une épée de Damo­clès, une obs­cure machi­na­tion dont le sens échappe.

Avec Marion, cette ado­les­cente déter­mi­née, cette héroïne qu’il bous­cule, lui fai­sant vivre les affres les plus ter­ribles, Brus­solo signe un roman d’initiation. Repre­nant des sujets clas­siques des romans d’aventures, il déploie une intrigue riche en rebon­dis­se­ments à la façon de ces feuille­to­nistes osant des solu­tions à la limite du cré­dible, mais si bien ame­nées, si bien racon­tées qu’elles s’intègrent natu­rel­le­ment dans le feu de l’action. De plus, en tant que lec­teur, on res­sent le plai­sir de conti­nuer à suivre les ava­tars de cette héroïne si atta­chante, elle qui est si pug­nace, volon­taire, mais si fra­gile dans sa décou­verte de ce qui com­pose la vaste monde et les igno­mi­nies qui s’y déroulent.
Serge Brus­solo place son récit dans un cadre his­to­rique rat­ta­chant les actions au contexte comme le début de la construc­tion des phares qui vont pri­ver les nau­fra­geurs de leur gagne-pain, la fausse mon­naie et une des­crip­tion au vitriol de la cour et de ses pra­tiques. “J’ai connu des mar­quis qui se sont rui­nés pour avoir le pri­vi­lège d’essuyer avec un mou­choir de soie le siège de notre cher monarque avant qu’il n’y pose son auguste cul !
Ce livre qui semble bien le pre­mier tome d’une saga, même si l’on ne trouve pas “À suivre”, se lit avec délec­ta­tion pour la richesse des péri­pé­ties, le degré d’impertinence que l’auteur place dans la bouche de ses per­son­nages et la roue­rie dont ils savent faire preuve. À recom­man­der pour pas­ser un excellent moment de lecture.

serge per­raud

Serge Brus­solo, L’oiseau des tem­pêtes, Fleuve édi­tions, novembre 2016, 408 p. – 19,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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