Quand le froid et la mort gouvernent
Ce diptyque s’appuie sur une situation historique extrême lorsqu’une mini période glaciaire a sévi sur l’Europe en cette fin du XVIIe et début du XVIIIe siècle. L’hiver 1709 a, pendant deux mois, été particulièrement froid, les températures atteignant, par exemple, — 26° à Paris. Dans cet univers enneigé, gelé, les femmes et les hommes se battent pour survivre. Les moyens de locomotions étant très restreints, les campagnes sont durement touchées lorsque les maigres provisions sont épuisées. Les grandes villes ne sont plus ravitaillées. La famine s’installe.
C’est dans ce cadre que les scénaristes installent leur récit d’aventures, de capes et d’épées. Ils en font une histoire glaçante dans tous les sens du terme. Ils animent les différentes factions qui se partagent le territoire, mettant en scène ces camisards, ces huguenots dont la révolte a pris naissance dans les Cévennes après que le roi Louis XIV ait révoqué l’Édit de Nantes. Cette décision inique, dictée par des religieux bornés, à la bêtise abyssale, a entraîné des exactions contre les protestants et la fuite d’une population savante et industrieuse qui a été faire la fortune de pays voisins. Si la Suisse se place, encore aujourd’hui, à la pointe de l’horlogerie, c’est grâce aux fuyards qu’elle a accueillis il y a plus de trois siècles. Et la question est encore d’actualité et reste cruciale.
L’essentiel de l’intrigue s’appuie sur le parcours et l’action d’un aventurier qui, au-delà des idées et d’un idéal philanthropiques, espère tirer de larges profits de son opération.
L’hiver 1709 est particulièrement rude et les populations souffrent du froid intense et de la faim. À Versailles, le roi et ses conseillers essaient de trouver des solutions. C’est dans ce cadre que Loys Rohan vient proposer une cargaison de blé. Il a pris ses précautions et garde secret l’endroit où est ancré le bateau et les codes pour se faire reconnaître. L’affaire conclue, Guillaume, son complice part vers le port. Seulement, il est intercepté et dévoré par un homme. Sa sacoche, avec les documents, disparaît. Guillaume et Rohan sont deux aventuriers qui reviennent du Brésil où ils avaient tenté de faire fortune en tant que chercheurs d’or.
La sacoche arrive dans les mains d’un chef de bande qui se recommande des Camisards. Dans ce froid, ce désert où plus rien ne pousse, ni n’est comestible, c’est une lutte terrible pour s’emparer d’une marchandise devenue plus précieuse que de l’or. Et Rohan n’est pas au bout de ses peines même s’il trouve une aide en la personne de la vicomtesse Oriane…
Le dessin de Philippe Xavier reste toujours aussi impeccable, d’une grande précision et d’une grande richesse. Il donne des planches superbes que la mise en couleurs de Jean-Jacques Chagnaud sublime. Ces décors blancs où la neige et la glace règnent en maîtresses, sont si bien réussis que leur seule vision fait ressentir une sensation de froideur.
Hyver 1709 se révèle un diptyque très agréable à découvrir, qui lève le voile sur un épisode particulier de l’Histoire de la France en mêlant catastrophe naturelle et erreur politique avec toutes les conséquences qui en découlent.
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serge perraud
Nathalie Sergeef et Philippe Xavier (scénario), Philippe Xavier (dessin), Jean-Jacques Chagnaud (couleurs), Hyver 1709 Livre II, Glénat, coll. “Grafica”, octobre 2016, 56 p. – 14, 50 €.