Nathalie Sergeef & Philippe Xavier, Hyver 1709, livre II

Quand le froid et la mort gouvernent

Ce dip­tyque s’appuie sur une situa­tion his­to­rique extrême lorsqu’une mini période gla­ciaire a sévi sur l’Europe en cette fin du XVIIe et début du XVIIIe siècle. L’hiver 1709 a, pen­dant deux mois, été par­ti­cu­liè­re­ment froid, les tem­pé­ra­tures attei­gnant, par exemple, — 26° à Paris. Dans cet uni­vers enneigé, gelé, les femmes et les hommes se battent pour sur­vivre. Les moyens de loco­mo­tions étant très res­treints, les cam­pagnes sont dure­ment tou­chées lorsque les maigres pro­vi­sions sont épui­sées. Les grandes villes ne sont plus ravi­taillées. La famine s’installe.
C’est dans ce cadre que les scé­na­ristes ins­tallent leur récit d’aventures, de capes et d’épées. Ils en font une his­toire gla­çante dans tous les sens du terme. Ils animent les dif­fé­rentes fac­tions qui se par­tagent le ter­ri­toire, met­tant en scène ces cami­sards, ces hugue­nots dont la révolte a pris nais­sance dans les Cévennes après que le roi Louis XIV ait révo­qué l’Édit de Nantes. Cette déci­sion inique, dic­tée par des reli­gieux bor­nés, à la bêtise abys­sale, a entraîné des exac­tions contre les pro­tes­tants et la fuite d’une popu­la­tion savante et indus­trieuse qui a été faire la for­tune de pays voi­sins. Si la Suisse se place, encore aujourd’hui, à la pointe de l’horlogerie, c’est grâce aux fuyards qu’elle a accueillis il y a plus de trois siècles. Et la ques­tion est encore d’actualité et reste cru­ciale.
L’essentiel de l’intrigue s’appuie sur le par­cours et l’action d’un aven­tu­rier qui, au-delà des idées et d’un idéal phi­lan­thro­piques, espère tirer de larges pro­fits de son opération.

L’hiver 1709 est par­ti­cu­liè­re­ment rude et les popu­la­tions souffrent du froid intense et de la faim. À Ver­sailles, le roi et ses conseillers essaient de trou­ver des solu­tions. C’est dans ce cadre que Loys Rohan vient pro­po­ser une car­gai­son de blé. Il a pris ses pré­cau­tions et garde secret l’endroit où est ancré le bateau et les codes pour se faire recon­naître. L’affaire conclue, Guillaume, son com­plice part vers le port. Seule­ment, il est inter­cepté et dévoré par un homme. Sa sacoche, avec les docu­ments, dis­pa­raît. Guillaume et Rohan sont deux aven­tu­riers qui reviennent du Bré­sil où ils avaient tenté de faire for­tune en tant que cher­cheurs d’or.
La sacoche arrive dans les mains d’un chef de bande qui se recom­mande des Cami­sards. Dans ce froid, ce désert où plus rien ne pousse, ni n’est comes­tible, c’est une lutte ter­rible pour s’emparer d’une mar­chan­dise deve­nue plus pré­cieuse que de l’or. Et Rohan n’est pas au bout de ses peines même s’il trouve une aide en la per­sonne de la vicom­tesse Oriane…

Le des­sin de Phi­lippe Xavier reste tou­jours aussi impec­cable, d’une grande pré­ci­sion et d’une grande richesse. Il donne des planches superbes que la mise en cou­leurs de Jean-Jacques Cha­gnaud sublime. Ces décors blancs où la neige et la glace règnent en maî­tresses, sont si bien réus­sis que leur seule vision fait res­sen­tir une sen­sa­tion de froi­deur.
Hyver 1709 se révèle un dip­tyque très agréable à décou­vrir, qui lève le voile sur un épi­sode par­ti­cu­lier de l’Histoire de la France en mêlant catas­trophe natu­relle et erreur poli­tique avec toutes les consé­quences qui en découlent.

lire les 1ères pages

serge per­raud

Natha­lie Ser­geef et Phi­lippe Xavier (scé­na­rio), Phi­lippe Xavier (des­sin), Jean-Jacques Cha­gnaud (cou­leurs), Hyver 1709 Livre II, Glé­nat, coll. “Gra­fica”, octobre 2016, 56 p. – 14, 50 €.

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