La cosmétique de Bruno Aveillan
Chez Bruno Aveillan la voile n’est pas suaire. Il n’est pas plus conçu pour la sueur. La femme n’y est ni Sainte, ni forcément ceinte. Elle s’échappe de l’idée religieuse comme des effets de brume. Le corps se dégage pour jouer avec lui-même. Le tissu ressemble à un fluide, il est un peu liquide comme lui, solide pourtant par sa matière et les ombres laissées suite à l’évaporation de celle qui s’en dégage. Le « film » entre la peau et le voile reçoit ainsi un échange de l’ordre de l’écharpe plus que de l’escarpement. Le corps n’est plus soumis à trop d’odeurs, de saveurs et de couleurs.
Une forme de « cosmétique » très particulière jaillit : ce n’est plus l’art de la parure mais ce qui ordonne, cache et dévoile tout autant. La cosmétique et le cosmos : tous deux sortent de la même source, ils désignent l’arrangement, l’harmonie, la loi du visible et de la convenance. Rien ne va donc aussi près de la vérité que l’apprêt et la parure.
Cet embellissement renvoie à l’ordonnance. La femme à travers lui construit un ordre supérieur. L’ordre de son voile est celui d’une ” variété ” du monde qu’elle soumet à sa loi. La photographie d’Aveillan est à ce titre celle de l’ordre d’une cosmétique qui s’éloigne des effets trompeurs ou superbes de la vue et de l’ ” éblouissement ” : photo, voile, peau sont de même nature : il s’agit, plus que de parures, de ce que les mains tissent, enduisent, assouplissent et fortifient. Le début de la métaphysique est peut-être là, mais plus certainement l’atteinte de l’au-delà, ici-même, ici-bas.
jean-paul gavard-perret
Bruno Aveillan, Ceremony, A Galerie, Paris, 18 novembre 2016 –14 janvier 2017.