La photographe et son modèle
Elina Brotherus place sa recherche dans la dialogue de l’artiste et de son modèle au sein de huis clos ou de lieux déserts. Plutôt que de ramener à une picturalité reconnaissable, le cliché crée un dispositif d’interrogation quasi « lynchéen ». Les vivants ne semblant pas éloignés des morts là où tout demeure en suspens dans de paradoxaux tableaux vivants.
Les narrations plastiques des auto-portraits créent en leurs douteuses évidences des cassures dans l’absence de réaction aux dynamiques du réel par ce qui en est apparemment le plus éloigné mais qui charpente une critique subtile, poétique et charnelle du vivant
L’amorphe, l’inanité, une couleur particulière, sorte d’ombre étrange entre le brouillard, la transparence, le blanc et le gris créent chez la photographe ni drame ni jeu, ni envers ni endroit, et pas plus un bien et un mal, un blanc et un noir mais une forme de latence. L’énergie des personnages s’y perd, s’y dilue, comme affaiblie dans une extrême limite. Elle semble ni formatrice, ni conductrice tant son niveau est bas dans le pétrissage et le métissage de l’ombre.
Mais cette dynamique du creux porte l’image à la valeur d’aura et donne à l’œuvre sa paradoxale puissance.
jean-paul gavard-perret
Elina Brotherus, The Role of the Model, Fotohof, Salzbourg, Autriche, du 25 Novembre 2016 au 21. Janvier 2017