Après quelques pages assez calmes avec l’apathie de l’héroïne, l’intrigue s’envole et l’action est menée tambour battant dans le sillage de la jolie et dynamique Flora. Le récit débute comme une enquête policière classique avec interrogatoires des principaux acteurs du drame, avec recherche des contradictions dans les témoignages. Mais, très vite, Thierry Gloris oriente son récit vers un être insaisissable, sorte de fantôme anticipant les réactions des enquêteurs. Ceux-ci se trouvent, d’ailleurs, en situation fâcheuse plus d’une fois.
Les deux héros rencontrent un personnage authentique en la personne de Gaston Leroux, alors journaliste à L’Écho de Paris. Ce dernier deviendra célèbre comme romancier avec, par exemple, la série des Rouletabille, Le Mystère de la chambre jaune et …Le Fantôme de l’Opéra.
Depuis son enlèvement en terres germaniques (voir diptyque précédent – même éditeur), Flora Vernet est apathique, sujette à d’affreux cauchemars. Rien ne l’intéresse au grand dam d’Hugo Beyle qui ne veut, cependant, pas baisser les bras ni voir disparaître l’Agence Aspic. Le père de Flora se présente à leur domicile et, sans préliminaires, lui annonce le décès de sa mère. Bien qu’il ne veuille plus parler à sa fille, il a pensé que sa tendre Eugénie aurait aimé que Flora soit présente aux obsèques. Et il repart prétextant un emploi du temps chargé.
À l’Opéra de Paris, on découvre un machiniste pendu avec un écriteau sur la poitrine : “Que crève la Fiortakas !” La mort de sa mère est le choc salutaire qui sort Flora de sa torpeur. Elle s’entraîne de nouveau à la boxe française, fait de multiples emplettes, fréquente un salon de coiffure… et reçoit le directeur de l’Opéra. Il monte Faust de Gounod et est en butte à des événements fâcheux. Cela a commencé avec une inscription sur le miroir dans la loge de la diva : “Ferme-la !” Puis, quelques jours plus tard, gravé sur le bureau du directeur : “Faites taire la Fiortakas !” Enfin, ce machiniste pendu.
L’affaire intéresse les deux détectives qui, dès le lendemain, se rendent sur les lieux et débutent des investigations. Mais ils découvrent que tant d’intérêts sont en jeu…
Le scénariste truffe son histoire avec nombre de traits d’humour tant dans les dialogues que dans les situations avec ce décalage entretenu entre cette jeune femme au tempérament volcanique et son associé plus timoré, plus en retrait. Il ne manque pas de faire un clin d’œil à une illustre cantatrice avec le grand air des Bijoux de Faust et au dessinateur des quatre tomes précédents en le faisant paraître sous les traits du coiffeur de Flora.. Emmanuel Despujol assure le graphisme avec Lorien Aureyre pour la mise en couleurs, qui assure un travail sur la couleur remarquable en reconstituant l’atmosphère idoine. Le premier assure un dessin dynamique avec un sens certain du mouvement et l’art du geste précis. Il campe ses personnages avec constance, donnant à ses héros des expressions nombreuses et variées, faisant refléter avec brio les sentiments ressentis. Les décors sont fastueux ou sordides à souhait selon le lieu de l’action. Gloris sème dans ses vignettes des éléments humoristiques drôles et piquants.
Un nouvel épisode fort bien mené, tonique, avec tout ce qu’il faut pour faire de cet album une réussite.
serge perraud
Thierry Gloris (scénario), Emmanuel Despujol (dessin) & Lorien Aureyre (couleurs), Aspic. Détectives de l’étrange, tome 5 : “Whodunnit à l’Opéra”, Soleil, coll. “Quadrants”, septembre 2016, 48 p. – 14,50 €.