Barbara Polla, Éloge de l’érection suivi de Lycaon, apologie du désir de Dimitris Dimitriadis

L’Erec­tion est une fête

Inté­res­sée par la ver­ti­ca­lité sous toutes ses formes, Bar­bara Polla a entre­pris un retour sur l’œuvre Dimi­tris Dimi­tria­dis selon son apo­lo­gie du phal­lus source de vie et ini­tia­teur de formes artis­tiques, lit­té­raires mais aussi poli­tiques, éco­lo­giques, archi­tec­tu­rales. L’objectif est aussi (sinon sur­tout), pré­cise Bar­bara Polla, « de faire ban­der un pays ». A savoir, la Grèce et ce qui s’y engage depuis sa crise et désor­mais son rôle dans l’exil des dépla­cés. Mais il y a bien plus : par exemple, d’un point de vue éco­lo­gique (Pie­tro Garau), le « construire haut » n’est pas une pré­da­tion éco­lo­gique mais le seul espoir de dura­bi­lité pour les futures géné­ra­tions. Bref, Man­hat­tan déjà chanté par Rem Kho­lass devien­drait un modèle en termes de sur­face au sol par habi­tant avec ce que cela sup­pose d’économies.
Quant à l’érection sexuelle elle-même, elle n’est ni acte créa­teur, ni acte pro­créa­teur, ni sym­bole. L’érection est réelle en ce qu’elle est maté­rielle plus même que sub­stan­tielle. Elle s’associe à un acte de vie la mani­fes­ta­tion du vivant, insai­sis­sable. Dès lors, elle devient le sens même de l’art. Et si cer­tains théo­ri­ciens envi­sagent celui-ci comme « creux-ation », Bar­bara Polla et sa dream-team la conçoivent de manière oppo­sée en tant qu’instauratrice de ce qui érige, de ce qui s’érige.

A n’en pas dou­ter, la Suis­sesse risque de se voir vili­pen­der par cer­taines chiennes de garde sur­tout si elles lisent mal son livre. Néan­moins, Bar­bara Polla, pour par­ache­ver ce livre, entonne le chant érec­tile vers un absolu de dila­ta­tion non sans humour dans ce qui tient d’une fable. Les hommes « ban­daient dans la ville et les femmes heu­reuses et les jeunes gens les regar­daient et les aimaient ban­dant elles aussi eux aussi et ense­men­çant jusqu’aux rues de la ville et les fruits jon­chaient les rues ». En com­pa­gnie de Paul Ardenne, Dimi­tris Dimi­tria­dis, Maria Efsta­thiadi, Elisa Nico­lo­pou­lou, Elli Paxi­nou et les autres, Bar­bara Polla prouve la néces­sité de ce qui est non seule­ment l’objet de pro­créa­tion mais qui devient un sujet poli­tique et sen­suel de révolte d’anarchie, de rituel d’incarnation. Un objet qui mélange le chaos et l’ordre, la perte de maî­trise mais aussi l’envers de l’aliénation et ce qui repré­sente une élé­va­tion ter­restre et spi­ri­tuelle.
Il n’est pas jusqu’à l’écriture fémi­nine d’appeler à cette figure qui « ren­force le désir, pro­longe l’attente et aug­mente l’impatience pour le moment où ce qu’on appelle écri­ture va enfin deve­nir le blanc achè­ve­ment du Siècle ne lais­sant plus rien à celui qui s’est chargé de l’œuvre. » (Maria Efsta­thiadi). Preuve que l’érection n’est pas affaire d’hommes. Ceux (et celles) qui connais­sant le fonc­tion­ne­ment du cli­to­ris le savent bien. Comme ceux qui, comme Dimi­tria­dis, ont com­pris que tout fonc­tionne par « la bite de ton cer­veau, tout ton cer­veau” qu’il soit fémi­nin ou mas­cu­lin. Manière pour le poète de rap­pe­ler que l’homme ne pense pas for­cé­ment avec sa queue sinon à se réduire à une ani­ma­lité ins­tinc­tive sur le plan sexuel comme sur le plan poli­tique (et les exemples sont, hélas !, nombreux).

jean-paul gavard-perret

Bar­bara Polla, Éloge de l’érection suivi de Lycaon, apo­lo­gie du désir de Dimi­tris Dimi­tria­dis (tra­duc­tion Michel Vol­ko­vitch), Edi­tions Le Bord de l’Eau – Col­lec­tion La Muette, 2016, Bruxelles.

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