Patrick Buisson, La cause du peuple

Chro­nique d’un quinquennat

L’accueil hystérico-médiatique qui fut réservé au livre de Patrick Buis­son, l’ancien conseiller du pré­sident Sar­kozy étant retombé, peut-être parviendra-t-on à l’analyser avec toute la séré­nité néces­saire. De cet épais ouvrage de 460 pages, la presse n’a retenu que les « petites phrases », certes bien cise­lées, sur l’ancien chef de l’Etat. C’en est presque insul­tant quand on prend la peine de le lire en entier.

Ce livre est d’abord un témoi­gnage, écrit dans un fran­çais magni­fique, tel que les aiment les his­to­riens. Patrick Buis­son en est d’ailleurs un et a donc su retrans­crire à mer­veille ce qu’il a vécu de l’intérieur : les réunions stra­té­giques, les conver­sa­tions, les pres­sions contra­dic­toires sur le pré­sident, les luttes entre conseillers, etc. Ensuite, il nous livre une chro­nique d’un quin­quen­nat com­mencé par une incroyable vic­toire et achevé dans une défaite hono­rable, deux batailles aux­quelles l’auteur a apporté une contri­bu­tion abso­lu­ment déter­mi­nante. Il décrit les évo­lu­tions, les rup­tures, les blo­cages, et sur­tout les erreurs d’un ani­mal poli­tique qui n’en com­mit aucune pen­dant sa cam­pagne élec­to­rale de 2007 et les accu­mula le soir même de sa réussite.

Enfin – et c’est là en fait l’essentiel –, La cause du peuple est une ana­lyse poli­tique et idéo­lo­gique aussi pré­cise que dense de la droite fran­çaise qui depuis 1974 au moins – si ce n’est avant ! – évo­lue dans la stra­to­sphère de la gauche. Buis­son replace, dans chaque cha­pitre, l’action de Nico­las Sar­kozy à la fois dans une pers­pec­tive his­to­rique sur le temps long et dans le contexte actuel. Il peut ainsi lire l’action pré­si­den­tielle certes au prisme de la per­son­na­lité du pré­sident dont le verbe, hélas, ne cor­res­pon­dait pas à ses intimes convic­tions ni à sa volonté de plaire, mais aussi à tra­vers les trans­for­ma­tions du monde poli­tique. Il la replace aussi constam­ment dans les frac­tures actuelles de la société fran­çaise, déchi­rée entre les gagnants de la mon­dia­li­sa­tion et les per­dants de l’ouverture géné­ra­li­sée. Ces der­niers crurent à l’ancien ministre de l’Intérieur. Leur défec­tion, due aux tra­hi­sons rapides de la ligne pro­gram­ma­tique de 2007, scella le sort du quinquennat.

Bref, Buis­son avait saisi la pro­fon­deur du fossé entre les élites et les « ploucs », entre le pays légal et le pays réel hur­lant dans un vide abys­sal son besoin de fron­tières, de pro­tec­tion, d’identité. Il avait com­pris l’importance gram­scienne de la ques­tion cultu­relle et poli­tique dans un monde qui ne parle que de chiffres et d’amour immo­déré de l’Autre, symp­tôme de la haine des siens. Le Brexit a confirmé ses ana­lyses et on sait com­ment les euro­péistes et les médias ont réagi : par un appel au retour du suf­frage cen­si­taire !
En lisant ce livre en vérité remar­quable, on s’aperçoit que le cou­rant natio­nal, conser­va­teur et catho­lique existe encore en France et qu’il a des solu­tions à pro­po­ser à un pays qui cherche une bouée de sau­ve­tage pour se sau­ver d’une tem­pête dont on ne sait jusqu’où elle le portera.

fre­de­ric le moal

Patrick Buis­son, La cause du peuple, Per­rin, octobre 2016, 460 p. — 21, 90 €.

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