Le travail de Frédérique Longrée est toujours de l’ordre d’une métamorphose et d’une libération. Peu à peu, la créatrice trouve ses marques, s’appartient en devenant qui elle est après avoir été arrachée à elle-même. Son oeuvre se lie plus à l’espérance qu’à l’angoisse même si forcément elle persiste. Mais désormais la création “ouvre” à l’instinct sur une aventure qui restitue la femme à elle-même, une fois sortie des écroulements subis. L’acte poétique devient la réponse que certains événements voulurent étouffer de leur accablement sous la conviction d’une fatalité absurde. Depuis, Frédérique Longrée atteste de la part inaliénable de sa ressource intérieure. Elle y trouve la force de surmonter la douleur vers le sens d’un accomplissement et peut-être d’une victoire. Sûrement même.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La lumière. L’envie de découvrir de nouvelles choses, de les explorer et de les partager.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les réalise les uns après les autres même si cela prend parfois des années pour concrétiser un seul projet.
A quoi avez-vous renoncé ?
La pratique du piano et du violoncelle.
D’où venez-vous ?
Je me pose toujours la question.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’enthousiasme, l’énergie, la force de me battre pour ce en quoi je crois.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Ecrire au stylo-plume sur du beau papier. Humer les livres.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je suis très mal placée pour répondre à cette question.
Comment définiriez-vous votre approche du “surréalisme” ?
Si je parvenais à répondre à cette question, cela signifierait que ma démarche est volontaire ou calculée. Lorsque je débute un collage, je ne sais jamais ce vers quoi elle va mener. Rien n’est intellectualisé.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La photo de Peter Saville qui figure sur la pochette du 45 tours de la chanson “Love will tear us apart” de Joy Division. Je suis allée visiter le cimetière de Staglieno à Gênes pour voir la statue qui figure sur cette photo.
Et votre première lecture ?
“Malpertuis” de Jean Ray, si je me souviens bien. Ou les “Petits poèmes en prose” de Baudelaire.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Beaucoup de rock et de la musique classique, avec une prédilection pour la musique de chambre.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Le Maître et Marguerite” de Boulgakov
Quel film vous fait pleurer ?
“A song for a raggy boy” de Aisling Walsh
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un point d’exclamation ou un point d’interrogation
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A moi-même. L’exercice serait trop ardu.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Un village appelé Bagno Vignoni où Tarkovski a tourné les scènes de la piscine dans Nostalghia.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Question difficile puisque je ne connais que l’oeuvre des artistes et écrivains qui me touchent. Mais j’éprouve une tendresse et un intérêt particulier à l’égard des écrits de Luc Dietrich, Valérie Valère, Henri Michaux, Antonin Artaud et, à l’heure actuelle, Nicolas Rozier et Kenny Ozier-Lafontaine.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une gomme pour effacer certaines choses de ma mémoire.
Que défendez-vous ?
Le droit pour les femmes de ne pas procréer et par conséquent, le droit à la contraception et à l’avortement.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Rien. Je préfère de loin Jung à Lacan et cette phrase ne m’a jamais touchée.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je dis plus souvent non que oui alors cette phrase provoque en moi un sentiment de malaise.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Comment allez-vous ?
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 25 octobre 2016.