Une fresque ample, subtile et décisive
Des enfants, des personnes surgissent et viennent afficher leur présence — ils sont nombreux à investir la scène dans un grondement de tonnerre. Les comédiens s’habillent sur le côté du plateau, suivis par la caméra qui projette leur visage fondu sur les images de la montée du national-socialisme. Très vite émergent des dialogues de lourdes interrogations sur le basculement dans le régime menaçant prometteur. Se dresse progressivement le tableau des différentes attitudes devant l’inacceptable nécessaire la compromission.
Les personnages déterminent leur attitude en fonction de leurs options de leurs espoirs de leurs calculs, rarement de leurs principes, sinon intéressés. Pourtant, là chacun est juge de tous et du monde, c’est le sens de l’adresse immobile que constitue la présence muette des acteurs répartis comme des pions, droits, stoïques, scrutateurs.
Des moments de grâce, filmés avec grande délicatesse. Le spectacle alterne les moments pathétiques et les temps de dramatisation. Des images saisissantes ; une alternance de moments d’horreur et de tendresse : la constitution d’une parabole de la lâcheté conjuguée à la volonté de domination, qui n’est à la puissance que sa démonstration. Le public est fréquemment convoqué, comme juge, comme objet filmé, alternativement éclairé et remis à la noirceur de son silence. On assiste à une série de passes d’armes aux accents de requiem. Des redondances bien senties, des nudités en manière de vanités du siècle de l’horreur.
Un tableau d’une redoutable efficacité : une fresque ample, subtile et décisive. Ivo van Howe utilise à bon escient tous les moyens du théâtre : les comédiens et leur duplicité, le décor et sa plasticité, les vidéos et leur acuité, les illustrations sonores et leur facticité. Une construction sans faille, belle et habile, vive et sensible. Tout au plus la jugera-t-on un peu démonstrative, un rien didactique. Mais on aurait mauvaise grâce à résister à cette machinerie alerte et percutante.
christophe giolito
Les Damnés
de Luchino Visconti, Nicola Badalucco et Enrico Medioli (adaptation)
Mise en scène Ivo van Hove
Avec Sylvia Bergé (en alternance), Éric Génovèse, Denis Podalydès, Alexandre Pavloff, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Adeline d’Hermy, Clément Hervieu-Léger, Jennifer Decker, Didier Sandre, Christophe Montenez,
Et Sébastien Baulain, Marina Cappe (en alternance), Amaranta Kun (en alternance), Tristan Cottin, Pierre Ostoya Magnin, Axel Mandron.
Scénographie et lumières Jan Versweyveld Costumes An D’Huys Vidéo Tal Yarden Musique originale et concept sonore Eric Sleichim Dramaturgie Bart Van den Eynde Assistanat à la mise en scène Laurent Delvert Assistanat à la scénographie Roel Van Berckelaer Assistanat aux lumières François Thouret Assistanat au son Lucas Lelièvre
En alternance Salle Richelieu du 24 septembre 2016 au 13 janvier 2017 matinée 14h / soirée 20h30. Spectacle créé le 6 juillet 2016 au Festival d’Avignon. Avec l’aimable autorisation de L’Avant-Scène Cinéma Parution du texte à L’Avant-Scène Théâtre en juillet 2016 Avec le mécénat de Grant Thornton, groupe leader d’audit et de conseil, et le soutien de Monsieur et Madame Hermand.