Les Damnés (Luchino Visconti, Nicola Badalucco & Enrico Medioli / Ivo van Hove)

Une fresque ample, sub­tile et décisive

Des enfants, des per­sonnes sur­gissent et viennent affi­cher leur pré­sence — ils sont nom­breux à inves­tir la scène dans un gron­de­ment de ton­nerre. Les comé­diens s’habillent sur le côté du pla­teau, sui­vis par la caméra qui pro­jette leur visage fondu sur les images de la mon­tée du national-socialisme. Très vite émergent des dia­logues de lourdes inter­ro­ga­tions sur le bas­cu­le­ment dans le régime mena­çant pro­met­teur. Se dresse pro­gres­si­ve­ment le tableau des dif­fé­rentes atti­tudes devant l’inacceptable néces­saire la com­pro­mis­sion.
Les per­son­nages déter­minent leur atti­tude en fonc­tion de leurs options de leurs espoirs de leurs cal­culs, rare­ment de leurs prin­cipes, sinon inté­res­sés. Pour­tant, là cha­cun est juge de tous et du monde, c’est le sens de l’adresse immo­bile que consti­tue la pré­sence muette des acteurs répar­tis comme des pions, droits, stoïques, scrutateurs.

Des moments de grâce, fil­més avec grande déli­ca­tesse. Le spec­tacle alterne les moments pathé­tiques et les temps de dra­ma­ti­sa­tion. Des images sai­sis­santes ; une alter­nance de moments d’horreur et de ten­dresse : la consti­tu­tion d’une para­bole de la lâcheté conju­guée à la volonté de domi­na­tion, qui n’est à la puis­sance que sa démons­tra­tion. Le public est fré­quem­ment convo­qué, comme juge, comme objet filmé, alter­na­ti­ve­ment éclairé et remis à la noir­ceur de son silence. On assiste à une série de passes d’armes aux accents de requiem. Des redon­dances bien sen­ties, des nudi­tés en manière de vani­tés du siècle de l’horreur.

Un tableau d’une redou­table effi­ca­cité : une fresque ample, sub­tile et déci­sive. Ivo van Howe uti­lise à bon escient tous les moyens du théâtre : les comé­diens et leur dupli­cité, le décor et sa plas­ti­cité, les vidéos et leur acuité, les illus­tra­tions sonores et leur  fac­ti­cité. Une construc­tion sans faille, belle et habile, vive et sen­sible. Tout au plus la jugera-t-on un peu démons­tra­tive, un rien didac­tique. Mais on aurait mau­vaise grâce à résis­ter à cette machi­ne­rie alerte et percutante.

chris­tophe gio­lito

 Les Dam­nés

de Luchino Vis­conti, Nicola Bada­lucco et Enrico Medioli (adap­ta­tion) 
Mise en scène Ivo van Hove

Avec Syl­via Bergé (en alter­nance), Éric Géno­vèse, Denis Poda­ly­dès, Alexandre Pav­loff, Guillaume Gal­lienne, Elsa Lepoivre, Loïc Cor­bery, Ade­line d’Hermy, Clé­ment Hervieu-Léger, Jen­ni­fer Decker, Didier Sandre, Chris­tophe Mon­te­nez,
Et Sébas­tien Bau­lain, Marina Cappe (en alter­nance), Ama­ranta Kun (en alter­nance), Tris­tan Cot­tin, Pierre Ostoya Magnin, Axel Mandron.

Scé­no­gra­phie et lumières Jan Vers­wey­veld Cos­tumes An D’Huys Vidéo Tal Yar­den Musique ori­gi­nale et concept sonore Eric Slei­chim Dra­ma­tur­gie Bart Van den Eynde Assis­ta­nat à la mise en scène Laurent Del­vert Assis­ta­nat à la scé­no­gra­phie Roel Van Ber­cke­laer Assis­ta­nat aux lumières Fran­çois Thou­ret Assis­ta­nat au son Lucas Lelièvre

En alter­nance Salle Riche­lieu du 24 sep­tembre 2016 au 13 jan­vier 2017 mati­née 14h / soi­rée 20h30. Spec­tacle créé le 6 juillet 2016 au Fes­ti­val d’Avignon. Avec l’aimable auto­ri­sa­tion de L’Avant-Scène Cinéma Paru­tion du texte à L’Avant-Scène Théâtre en juillet 2016 Avec le mécé­nat de Grant Thorn­ton, groupe lea­der d’audit et de conseil, et le sou­tien de Mon­sieur et Madame Hermand.

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