Grâce au portable ou à cause de lui, l’image donnée pour « vraie » soumet à un inégal combat. L’être humain perd en âme et conscience ce qu’il gagne ou croit gagner en « vie-tesse ». Sous couvert de proposer l’utile et l’agréable, l’écran portable façonne l’inutile et le désagréable où à la fois tout passe et rien ne passe au moment où l’homme — unidimensionnel voyeur — se courbe en rompant avec le réel et en se fondant sur un univers d’artefacts.
La vision semble plus large et le monde plus compréhensible, la course face au temps atteint jusqu’à la « possibilité de l’impossibilité » : mais Boissier montre qu’il s’agit là d’une simple vue d’un esprit déjà fortement programmée.
N’étant plus seulement réfléchissant, l’écran — et ceux qui le programment — pense à notre place. D’un côté sa « sagesse », de l’autre notre folie. Entre les deux l’ivresse, l’indivisible égarement. Séduit et se croyant omniscient, l’être « embrassé » s’y retrouve clos et gisant.
Boissier permet de comprendre combien l’écran portable, sans et sous mobile apparent, n’offre en lieu et place d’un « voir » qu’un croire voir qui se transforme en un simple « croire ».
jean-paul gavard-perret
jean-Louis Boissier, L’écran comme mobile, Editions du MAMCO Genève, 2016, 240 p. — 32,00 €.