Une introspection virant à la claustration autistique
Cela commence doucement. Un homme arrive posément, en boxer, mimant avec maladresse sa soutenance de thèse. Il s’agit d’un candidat angoissé, qui vient d’apprendre, outre la rupture avec son amie, l’anticipation de sa date de soutenance. On assiste à des scènes de la vie courante, parfois drôles, souvent lancinantes. Il y a du silence. C’est l’intimité qu’on essaie de montrer. Il s’agit du gouffre de nous-même, dans lequel nous sommes tous susceptibles de sombrer. Nous assistons aux doutes, aux atermoiements, aux dédoublements du postulant.
L’espace intime de cette chambre jamais installée est enrichi par des vidéos et des voix que Wadji Mouawad a choisi réelles (celles de sa sœur, celle d’un médecin, celle de Robert Lepage…). Comme sur Internet, les fenêtres s’entrecroisent et se répondent pour mettre en scène mémoire et source d’inspiration mais le motif de la fenêtre ouvre aussi sur la menace du vide et de la disparition. Spectateurs, nous sommes menacés par l’ennui comme dans notre quotidien et sommes rattrapés par le réel de la mort, de la maladie, de la guerre. Car les moments de terreur donnent de l’ampleur à ce monologue un peu statique. Wadji Mouawad fait ici résonner des questions universelles d’une manière sensible et modeste. « Si peu de choses viennent de moi » susurre le personnage qu’il met en scène et joue, donnant à entendre sa dynamique propre de questionnement et d’inspiration : les étoiles du ciel au Liban, le metteur en scène Robert Lepage, la peinture de Rembrandt.
Wadji Mouawad, qui nous avait habitués à de grandes fresques édifiantes et dramatiques, présente, en ouverture de son cycle d’exploration du champ familial, une introspection touchante et sensible, qui reste toutefois beaucoup moins aboutie que ses précédents spectacles. Bien sûr, il s’agit d’une quête existentielle d’identité. Mais c’est une recherche indéfinie, qui ne trouve ni sa fin ni son tempo.
On assiste à terme à une claustration autistique. Le propos, initialement circonscrit, se fait finalement monstratif, sinon exhibitionniste. Au jeu de cette longue régression où corps et peintures s’enlisent et se projettent sur murs et sols, il reste l’image d’une pulsion créative résiliente.
christine eguillon et christophe giolito
Seuls
Texte, mise en scène et jeu Wajdi Mouawad
Ecriture de thèse Charlotte Farcet ; conseil artistique François Ismert ; assistance à la mise en scène Irène Afker ; scénographie Emmanuel Clolus ; éclairage Eric Champoux ; costumes Isabelle Larivière ; réalisation sonore Michel Maurer ; musique originale Michael Jon Fink ; réalisation vidéo Dominique Daviet ; suivi artistique en tournée Alain Roy. Durée 2h.
A la Colline, Théâtre National, 15, rue Malte-Brun, 75020 Paris, Grand théâtre.
Du 23 septembre au 9 octobre 2016, du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30, audiodescription mardi 27 septembre et dimanche 2 octobre, surtitrage en français mardi 27 septembre et dimanche 2 octobre.
Production La Colline — théâtre national
en coproduction avec Au Carré de l’Hypoténuse-France, Abé Carré Cé Carré-Québec, compagnies de création, l’Espace Malraux scène nationale de Chambéry et de la Savoie, le Grand T théâtre de Loire-Atlantique, le Théâtre 71 scène nationale de Malakoff, la Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, le Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, le Théâtre d’Aujourd’hui, Montréal, le Manège.Mons
Tournée
- Festival théâtral du Val d’Oise — Centre Culturel Le Figuier Blanc, Argenteuil, le 5 novembre 2016
– Théâtre des Salins — scène nationale, Martigues, les 9 et 10 novembre 2016
– The Wilma Theater, Philadelphie, du 29 novembre au 11 décembre 2016
– Sortie Ouest, Béziers, du 17 au 19 janvier 2016 ; — Le Manège, Mons, les 28 et 29 mars 2017
– Le Maillon – scène nationale de Strasbourg, du 27 au 29 avril 2017
– Théâtre national Populaire — centre dramatique national, Villeurbanne, du 10 au 13 mai, puis les 20 et 21 mai 2017 ; — Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne, du 30 mai au 3 juin 2017