Marc Cerisuelo, Lettre à Wes Anderson

Un Lubitsch contemporain

Dans ce pre­mier livre en fran­çais consa­cré à Wes Ander­son, Ceri­suelo rap­pelle com­bien l’hôtellerie semble le cadre idéal de ses films : de La Famille Tenen­baum à Hotel Che­va­lier - court métrage en pré­lude d’ A bord du Dar­jee­ling Limi­ted — et bien sûr Buda­pest Hotel. Mais, de fait, ce lieu est un « faux » thème : c’est tou­jours un per­son­nage chez le réa­li­sa­teur qui mène un film bien plus que l’espace. Et ce, même si pour son  Buda­pest, Wes Ander­son s’est inté­ressé au fonc­tion­ne­ment d’un grand hôtel et ses recoins laby­rin­thiques cachés der­rière la mise en scène visible pour la clientèle.

Comme le sou­ligne Marc Ceri­suelo, tou­jours libre et loin des grands stu­dios, le cinéaste demeure une sorte de dandy. Il cultive un lan­gage brillant fondé sur un tra­vail de pré­pa­ra­tion impres­sion­nant. Pour Moon­rise King­dom, il a oeu­vré plus d’un an sur la seule éla­bo­ra­tion du scé­na­rio. Il en est allé de même pour Buda­pest Hotel, pre­mier film qu’il a signé seul après avoir tra­vaillé pour ses autres sce­nari avec (et entre autres) Owen Wil­son, Roman Cop­pola ou Noah Baum­bach. Mais pour ce film, il s’est appuyé sur un mixage de plu­sieurs livres de Ste­fan Zweig ainsi que d’ Eich­mann à Jeru­sa­lem  de Han­nah Arendt et de Suite fran­çaise d’Irène Némirovsky.

Il existe ainsi dans chaque film de l’auteur, et sous leur brillance et l’aspect ludique, un tra­vail de réflexion qui s’enclenche et s’enchaîne d’un film à l’autre à tra­vers une forme de fan­tasme his­to­rique où le ton semble l’emporter sur le fond. Ce qui demeure néan­moins une ques­tion de point de vue ou de dosage. Chaque pro­jet per­met de rela­ter le cli­mat d’une époque sans l’astreinte au res­pect des signes de recon­nais­sance.
Ce choix rap­proche l’auteur d’un Lubitsch contem­po­rain. Dans chaque film, un per­son­nage cherche son nid au sein de com­mu­nau­tés plus ou moins dys­fonc­tion­nelles (familles, gangs, équi­pages, bri­gades). Tout abri mobile (train) ou immo­bile (hotel) demeure donc capi­tal. Et ce — selon le réa­li­sa­teur lui-même -, à la suite d’un image trau­ma­tique de l’enfance lorsque, à Gal­ves­ton (Texas), sa mère par­ti­cipa à l’excavation d’une mai­son endom­ma­gée par une tempête.

jean-paul gavard-perret

Marc Ceri­suelo, Lettre à Wes Ander­son, Capricci, Paris, 2016, 96 p. — 8,95 €.

Leave a Comment

Filed under cinéma, Essais / Documents / Biographies

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>