Son « goût » fut l’opposé de l’ennui
Picabia et Dada ont recréé l’art au-dessus des démolitions de la guerre. La « poule malade » de l’art, l’artiste et écrivain l’a déplumée pour lui insuffler d’autres bases en renonçant aux protocoles des commerciaux qui avant 1914 l’avait « cubée ».
Massacrant la prétendue « vertu » des arts (fussent-ils cubistes), Picabia a refusé de les câliner par des massages. Se battant au sein même de la toile, il en a retiré les vœux chastes « de madone bordel de soir usé ». C’est dit avec crudité mais Picabia avait besoin de dépouiller son amoureuse de ses apprêts pour lui refaire une santé.
« La grosse bête déshabillée de ses petits costumes de jeunes filles », la place était libre. Picabia a tenu ses promesses. Son « goût » (pour parler comme Deleuze) fut l’opposé de l’ennui.
Quant à la beauté, elle devint insolente par cette aventure dadaïste que les Surréalistes eurent du mal à supporter. Ils la travestirent en une sérénade de chambre mais le ver était dans le fruit et un nouveau départ était donné.
jean-paul gavard-perret
Catherine Hug et Anne Umland, Francis Picabia, Hatje Kantz, Berlin, 2016.