Jules Verne, Voyages extraordinaires, Voyage au centre de la Terre et autres romans

Verne et les Geeks

L’immense mérite de Jules Verne a tou­jours été de faire rêver à d’autres choses afin que l’après soit main­te­nant. Là où le roman d’aventure — sauf à de rares excep­tions — avait du mal à se por­ter sur le futur, l’auteur n’a eu cesse de l’anticiper jusque dans un texte tar­dif et peu connu : Le Tes­ta­ment d’un excen­trique, explo­ra­tion rapide d’une Amé­rique nais­sante.
Jules Verne reste le pro­to­type des lec­tures ado­les­centes. Ne l’étant plus depuis long­temps, il me serait dif­fi­cile de dire si le roman­cier parle encore aux « gamers »et aux « geeks ». Tou­jours est-il que leur uni­vers est le pur pro­duit de ce bala­din occi­den­tal des mondes incon­nus. Comme dans les jeux vidéos (dont il est le pré­cur­seur), chaque roman est dans ses aven­tures une conquête d’un Graal (Lune, Centre du monde, etc.) au sein d’une série d’obstacles et d’épreuves. Tout cela peut être lu de manière naïve, pre­mière. Mais, bien sûr, on peut y trou­ver au besoin une quête spi­ri­tuelle et idéale.

Sombres et gothiques à sou­hait, des créa­tures sour­de­ment et faus­se­ment naïves ou réel­le­ment savantes sus­citent une irré­sis­tible atten­tion voire une attrac­tion sou­vent irré­pres­sible. Leurs corps sont des signes noirs mais incan­des­cents. De tels héros semblent nous bali­ser depuis la nuit de l’enfance. Même si, sty­lis­ti­que­ment par­lant, il y a loin de Verne à Defoe ou Mel­ville sans par­ler de Cer­van­tès. Mais chez le pre­mier les situa­tions ont plus d’importance que les héros : le lac au centre de la Terre reste un endroit pre­mier où se rejoignent la pré­his­toire et la SF la plus folle.

Combien d’adeptes des cultes des zom­bies plus que des mots sont tom­bés dans les caveaux et les grands espaces de l’auteur ? Il a su faire creu­ser des pas­sages afin que les écha­fau­dages du réel s’écroulent. Il y a des mas­sacres en apo­rie, des cris de guerre et des dra­peaux. Sou­vent, dans de tels romans, la sen­si­bi­lité ne vaut pas tri­pette. Mais ce n’est plus le sujet. Après, il n’y aura peut-être plus rien. Après est déjà avorté mais l’objet des livres reste de déli­vrer des paquets de peurs décomplexées.

jean-paul gavard-perret

Jules Verne, Voyages extra­or­di­naires, Voyage au centre de la Terre et autres romans, Ed . par Jean-Luc Stein­metz, Biblio­thèque de la Pléiade, Gal­li­mard, 2016,  1376 p. — 50, 00 €.

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