Une vision rare des conséquences du premier crime de l’humanité
Hamor est le chef respecté d’un petit clan de bergers nomades. Il est respectueux des dogmes religieux et prête obéissance à Yahvé. Pendant la cérémonie du mariage de sa fille avec l’aîné d’une famille alliée, deux soldats viennent le chercher. Nébunedzar, le grand roi, le convoque. Pendant le voyage, il fait part aux deux hommes de ses principes de vie, de son dieu, ce qui agace un des guerriers égyptiens qui devient menaçant. Arrivé devant le roi, qui a mis en place un culte de la personnalité avec hommage obligatoire à sa statue géante, celui-ci lui demande de le tuer. Mais Hamor a juré à Yahvé de respecter la vie, ce qui met Nébunedzar hors de lui. Il lui confie alors une mission : “…trouver au nom de quel principe suprême Yahvé m’a condamné à traverser le temps sans qu’aucun homme ne puisse jamais me tuer.“
Pour Hamor, une vie nouvelle débute. S’il vit dans le luxe, il est sans cesse confronté à la violence de ce roi qui ne semble goûter que la vue du sang, n’apprécier que la mort qu’il répand pour le braver, le pousser à renier sa promesse. Et puis, les événements se précipitent et les révélations s’enchaînent …
Premier volet d’une série sur les assassinats qui ont bouleversé leur époque, cet album est atypique. En effet, si les autres opus portent sur des faits et des contextes historiques, le présent volume met en scène un mythe. Toutefois, si on se réfère aux trois religions du Livre, il est le premier assassinat de l’humanité. La Bible ne consacre que quelques versets seulement à cette affaire laissant l’imagination combler les trous laissés par le texte quant à la destinée de Caïn. Et l’imagination de Serge Le Tendre n’est pas en reste.
Il peaufine donc une histoire singulière s’appuyant cependant sur des faits historiques authentiques tels que la prise de Jérusalem par les Babyloniens, quelques traits de la vie et de la personnalité de Nabuchodonosor II qui fut, effectivement, un conquérant insatiable. Depuis, la collection s’est enrichie avec, par exemple, Marat, John Lennon, Philippe II de Macédoine.
Si le scénario se situe dans les hauts niveaux de qualité, que dire du graphisme ! Guillaume Sorel reste Guillaume Sorel, un illustrateur hors pair, difficilement égalable tant il a de cordes (talentueuses) à son arc pour mettre en scène et en images les scénarii qu’on lui confie. Il excelle dans la conception des personnages, dans la création des décors et dans la mise en couleurs. Bref, un artiste complet qui offre des œuvres inoubliables.
Si vous ne devez lire qu’une bande dessinée cette année, c’est celle-ci qu’il faut choisir.
feuilleter quelques planches
serge perraud
Serge Le Tendre (scénario) & Guillaume Sorel (dessin et couleur), J’ai tué Abel, Vents d’Ouest, septembre 2015, 62 planches — 15,50 €.