Dans notre période de refroidissement moral où la question de l’identité n’est posée que sur un registre politiquement correct de l’ethnique et du religieux, Guyotat ne cesse de fracasser les frontières du discours dans un espace ouvert de remémoration et de résurrection– sous divers aspects et sous effet d’attraction des forces contraires de vie et de mort, de bien et de mal.
Conçue en dialogue avec Pierre Guyotat et en collaboration avec la Bibliothèque Nationale de France, où sont conservées les archives l’auteur, La matière de nos œuvres prouve la source importante d’une telle littérature pour des artistes majeurs.
Créateur de langue, explorateur des mondes, Guyotat reste un visionnaire auquel ces plasticiens répondent. Miquel Barceló, Christoph von Weyhe, Paul McCarthy, Jean-Luc Moulène réagissent à travers leur perception à l’œuvre. Sont présentés aussi les dessins de l’auteur et certains de ses plus importants manuscrits depuis Sur un cheval (Seuil, 1960) jusqu’à Joyeux Animaux de la Misère II à paraître.
Le catalogue est complété d’entretiens avec tous les artistes et d’une interview de Pierre Guyotat. Il y aborde sa conception de la création. Il se veut au plus près de la parole comme de l’image. Pour lui, parler le livre, c’est l’inscrire et l’instruire dans une autre mélodie de la langue et dans d’autres genres. C’est un moyen de trouver d’autres rapports avec le corps et la sexualité. Les artistes réunis ici l’ont compris. Leurs propres textes et images sont des suites de relances sous forme de questions entre l’excrément et le sacré. Parfois, les grognements des images se changent en petits rires.
jean-paul gavard-perret
Pierre Guyotat,
- La matière de nos œuvres, sous la direction de Donatien Cau, Actes Sud, Arles, 2016
– exposition à la Galerie Azzedine Alaïa 18, rue de la verrerie 75003 Paris 3e jusqu’au 12 juin 2016.