Gail Parent, Peur de rien

Parfois drôle, sou­vent irritant

Roberta est new-yorkaise, avo­cate, céli­ba­taire et un brin névro­sée. Alors quand son gyné­co­logue (un cer­tain Dr Mun­ser que je ne vous conseille pas, mes­dames) lui lance, sans avoir pris la pré­cau­tion d’enfiler ses gants de latex, qu’à 35 ans, elle est proche de l’âge limite pour conce­voir, elle prend la chose plu­tôt mal. Il faut dire que, hor­mis lui pré­ci­ser à moult reprises qu’il ne faut sous aucun pré­texte se faire épi­ler le maillot (c’est dan­ge­reux, qu’on se le dise), le pra­ti­cien est peu géné­reux en matière de conseils.
Si l’on rajoute au tableau, outre une amie auto-centrée qui ne sait par­ler que de son ado­rable petit-ami, la mère juive et néan­moins ouverte et moderne dont Roberta est affu­blée, on com­pren­dra un peu mieux que son obses­sion pro­créa­trice vire rapi­de­ment au cau­che­mar. Elle a peu de temps devant elle ?
Soit, elle éta­blit une liste de huit can­di­dats — sept hommes qu’elle connaît, plus Paul New­man — dont elle décrète les gènes par­faits, à qui elle va « piquer leur sperme ». Mal­heu­reu­se­ment, les élus s’avèrent assez déce­vants : entre le gay qui ne veut pas trom­per son homme, les jumeaux jaloux, l’amant qui devient sou­dain impuis­sant et ceux que pareil enga­ge­ment rebute, la liste s’amenuise dan­ge­reu­se­ment, sur­tout lorsqu’ils décident de boy­cot­ter son lit après avoir eu vent du pro­jet de Roberta.

Écrit sur un ton qui se veut proche d’un Sex and the City — confi­dences volon­tiers trash entre copines, les copines en moins — par une celi­bat­tante avant l’heure (on est dans les années 80 et le concept n’est pas encore offi­ciel­le­ment inventé), ce roman vaut sur­tout pour les com­men­taires sous forme de dia­logues ima­gi­naires avec Ein­stein, Freud ou Dieu (“Ce n’est pas comme ça que je voyais les choses”, se lamente Dieu).
Mal­heu­reu­se­ment, si on ima­gine le style en VO plu­tôt enlevé, la tra­duc­tion pêche par sa lit­té­ra­lité, ren­dant cer­tains pas­sages au mieux incom­pré­hen­sibles pour un lec­teur non anglo­phone (“A cause de ces dis­tri­bu­teurs, le gamin le plus popu­laire était celui qui avait le plus de quar­ters”, p123), au pire ridi­cules (“Il était enviable, cool et mince”).
Autre pro­blème, mal­gré une idée de départ qui peut séduire même si elle est rebat­tue, l’histoire peine à avan­cer, on tourne en rond, on se répète, on pié­tine… et on s’ennuie. La chick-lit (lit­té­ra­ture pour les filles, si si…) se carac­té­rise rare­ment par sa hau­teur de vue, mais rien n’empêche de la choi­sir drôle (le livre l’est, à de trop rares moments), déca­lée (idem) et donc réjouis­sante (ce n’est pas le cas ici). On refuse de com­pa­tir avec une hys­té­rique obses­sion­nelle et égoïste, et encore moins de s’identifier avec une femme dont les cri­tères de sélec­tion de ses par­te­naires sont pure­ment phy­siques et maté­riels, quitte à pro­mettre de deve­nir la bon­niche d’un mufle, à s’habiller en pros­ti­tuée ou à accep­ter de faire une fel­la­tion contre son gré pour par­ve­nir à ses fins.
Une cari­ca­ture que l’on aurait dénoncé chez un auteur homme, et qui devient car­ré­ment irri­tante venant d’une femme, même si les per­son­nages mas­cu­lins ne sont pas épar­gnés non plus. On en revient tou­jours à cette idée hor­ri­pi­lante et qu’il fau­drait son­ger à remi­ser dans les gre­niers que la femme n’aspire qu’à bien se marier, à récol­ter la semence de son époux et à en faire de beaux enfants qu’elle élè­vera dans un doux foyer.
Au secours !

agathe de lastyns

   
 

Gail Parent, Peur de rien, tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Emma­nuelle Flet­cher, coll. “Poche”, Payot & Rivages, août 2011, 476 p.- 9,50 €

 
     

 

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