L’imposante place occupée dans la mémoire collective par la guerre d’Indochine et surtout par la guerre d’Algérie a entraîné l’occultation d’un autre conflit colonial dans lequel la France a été entraîné bien avant les années 1940–50, à savoir la guerre du Rif (1925–1926). On ne peut donc que lire avec grand intérêt l’étude précise, détaillée et écrite à l’aide d’archives très riches que Max Schiavon publie.
Aucune des dimensions du conflit n’est occultée : les questions stratégiques et même tractiques bien sûr prépondérantes, mais aussi politiques (les pressions gouvernementales jouent un rôle capital dans toute cette histoire), culturelles, humaines (le récit est émaillé de très intéressants portraits des protagonistes, depuis les chefs militaires français jusqu’à Abd el Krim).
Cela dit, le cœur du livre se situe dans les deux conceptions à propos de la nature du conflit à mener qui oppose Lyautey à Pétain. Car cette partie de la carrière du vainqueur de Verdun est très peu connu, et tous ceux qui s’intéressent à cette période et à ce personnage trouveront de riches éléments de compréhension.
En effet, Max Schiavon décrit deux chefs militaires fidèles à eux-mêmes et à leurs conceptions en matière coloniale et militaire, Lyautey accordant une importance cruciale au temps et aux aspects politiques de la lutte, là où Paris veut une victoire nette et rapide. D’où une préférence pour Pétain qui avec méthode et puissance de feu, reconquiert les terrains perdus et apporte la victoire demandée.
Cette guerre en fait en annonce d’autres, plus cruelles et difficiles encore. Elle illustre l’illusion d’une puissance française sur ses colonies, en réalité bien fragile après la Grande Guerre et les obligations de la paix dans l’Europe des années 1920.
Le livre de Max Schiavon constitue donc une pierre à l’édifice de compréhension de cette époque cruciale.
frederic le moal
Max Schiavon, La Guerre du Rif. Maroc (1925–1926), Editions Pierre de Taillac, février 2016, 294 p., 24,90 €
Né au Maroc Oriental, connaissant la région de TAZA et fils d’un blessé en 1925, j’ai particulièrement apprécié le livre de Max Schiavon.
Les différents aspects du conflit ( militaire, politique)sont particulièrement bien évoqués. Quant à l’aspect opérationnel et à l’héroïsme des premiers mois , ils confirment ce qui m’en avait été dit par mon père, caporal dans un bataillon de tirailleurs sénégalais.