Karl Mengel, Pour et contre la bisexualité

Le titre de cet essai ne cor­res­pond pas à son contenu

 Le titre de cet essai ne cor­res­pond pas à son contenu : au lieu d’examiner, comme dans une dis­ser­ta­tion, les bons et les mau­vais côtés du phé­no­mène qui l’intéresse, l’auteur se livre à une défense enflam­mée de la bisexua­lité, en démon­tant au pas­sage les idées reçues selon les­quelles les bi seraient des homos hon­teux ou des obsé­dés sexuels mons­trueu­se­ment voraces. On sent que le sujet lui tient à cœur, aussi bien dans les pas­sages assi­mi­lables au pam­phlet, qu’au fil de ses savantes expli­ca­tions sur les cultures où la bisexua­lité fut ou reste bien admise (ses exemples vont de la Grèce antique aux peuples sub­sis­tant encore de nos jours en Nouvelle-Guinée).

Mengel fait montre d’érudition aussi en cri­ti­quant les théo­ries en vogue, ce qui nous per­met de remar­quer qu’il a lu nombre d’études en trois langues, rele­vant des gen­der stu­dies ou de la psy­cho­lo­gie “scien­ti­fique” — on en arrive à le plaindre à chaque nou­veau titre cité, car mani­fes­te­ment, il ne s’est pas contenté de par­cou­rir la conclu­sion de ces ouvrages indi­gestes, comme le font cou­ram­ment les uni­ver­si­taires.
À la dif­fé­rence de leurs auteurs, l’essayiste est sou­cieux de s’écarter du style aca­dé­mique, il use donc fré­quem­ment de termes cen­su­rables, de tour­nures iro­niques, voire d’apostrophes moqueuses au lec­teur, avec plus ou moins de bon­heur — si la démarche nous réjouit, son écri­ture reste, dans l’ensemble, trop lourde au lieu d’être bien enle­vée.
Et il s’avère, à notre décep­tion, que sa thèse n’a rien d’inédit : à son sens, les bisexuels sont sim­ple­ment por­tés à tom­ber amou­reux sans accor­der d’importance au sexe de l’individu qui les attire. C’est pro­ba­ble­ment vrai, mais qu’avait-on besoin d’une cen­taine de pages pour arri­ver à l’affirmer, quand tout le monde l’a déjà entendu nombre de fois, à tra­vers les médias, de la bouche de tels artistes por­tés aux confes­sions publiques ?

A part cette thèse banale, l’auteur défend une idée qui lui semble, curieu­se­ment, très impor­tante : mieux vau­drait par­ler de pan­sexuels au lieu de bisexuels.
On peine à com­prendre ce qu’il pour­rait se pas­ser de déci­sif, qui chan­ge­rait leur image sociale, voire la face du monde, si cha­cun adop­tait ce néo­lo­gisme. On craint que Men­gel se soit laissé conta­mi­ner, au fil de ses lec­tures, par la tour­nure d’esprit aca­dé­mique selon laquelle un terme qu’on finit par impo­ser aux confrères vaut toutes les vic­toires d’Alexandre (grand homme dont les mœurs sont évo­quées dans l’essai).

S’agis­sant d’un auteur encore jeune (né en 1975), qui ne ces­sera sans doute pas de sitôt d’écrire sur le sujet, on aime­rait qu’il nous donne la pro­chaine fois ce qu’on peut attendre d’un traité valable : plus de sub­stance que d’attaques contre les tristes sires dont l’avis n’intéresse que leur propre milieu. Si Karl Men­gel nous offrait mieux qu’un vague aperçu du point de vue “pan­sexuel”, en ana­ly­sant des expé­riences concrètes, au lieu de perdre son temps à démon­ter des thèses oiseuses, il nous appren­drait vrai­ment quelque chose, ce dont on le féli­ci­te­rait volon­tiers.
En atten­dant, on reste sur le regret­table constat de n’avoir aucun livre à recom­man­der sur la bisexualité.

agathe de lastyns

   
 

Karl Men­gel, Pour et contre la bisexua­lité, coll. “L’attrape-corps”, La Musar­dine, août 2009, 118 p. — 12,00 €

 
   

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