Wilfrid Lupano & Baptiste Andreae, Azimut — t. 3 : “Les Anthropotames du Nihil”

Dans les secrets du temps

Dans un uni­vers débous­solé où le Pôle Nord, la quin­tes­sence de l’orientation, est parti en direc­tion du Sud, des per­son­nages tous plus aty­piques les uns que les autres tentent de mener leur propre quête ou de suivre le par­cours que le des­tin leur réserve. De plus, l’horloge du temps s’est dérè­glée, est deve­nue inco­hé­rente.
Manie Ganza, la fille de la reine d’Éther, a passé un mar­ché auprès de la banque du temps : des siècles de vie, de jeu­nesse, contre des mil­liers de morts. Effa­rée par ce qu’elle a fait, elle fui en com­pa­gnie d’Eugène, le peintre offi­ciel du royaume. Sa mère la pour­suit pour la tuer, ne sup­por­tant pas l’idée qu’elle vive, si belle, après elle.

Le pré­sent tome débute avec la réunion des Pri­mor­diaux à l’initiative de l’un d’eux qui, proche des humains, veut leur venir en aide. Mais ses congé­nères s’en moquent. Si les humains ont inventé des machines qui pro­duisent de gros dégâts, qu’ils assument leurs res­pon­sa­bi­li­tés. Les royaumes se pré­parent au com­bat. Celui du roi Iréné s’en prend au roi Alceste et à l’océan. Le Petit­ghis­tan veut deve­nir grand et déclare la guerre à tous les pays limi­trophes. Le groupe autour de Manie et d’Eugène fuit les sbires de la reine. Si Manie peut sau­ter sur un vol de tapis, Eugène, trop lent, est cap­turé.
Dans le désert, le Major négo­cie pour sau­ver un lapin, l’avatar du Pôle Nord, des griffes de Baba Arbiche qui veut en faire un tajine aux abricots.

Ce troi­sième tome, comme les pré­cé­dents, garde un tempo tonique pour ce scé­na­rio où, sous des aspects débri­dés, tout est très cohé­rent. Ainsi le titre trouve sa source avec le Pôle Nord. Le bas­cu­le­ment du magné­tisme du nord au sud, et inver­se­ment, est une réa­lité scien­ti­fi­que­ment prou­vée. Ce récit est truffé de réfé­rences aux grands clas­siques de la lit­té­ra­ture popu­laire, d’hommages avec le lapin, le Major…
Le scé­na­rio est en phase avec l’actualité brû­lante quand, par exemple, le Major et le lapin se retrouvent dans la val­lée des idoles où des sta­tues de déesses avaient été éri­gées, puis : “…lors d’un âge sombre les guer­riers Dji­douillis ont détruit ces vénus cal­li­pyges aux trop opu­lentes poi­trines.” L’auteur pro­pose une scène où des moines pro­mènent un livre, leur réfé­rence abso­lue car : “Tout est dans le Livre”. Cette affir­ma­tion est très proche de ce que pro­fessent tous les fana­tiques de la Bible ou du Coran, fai­sant dire à ces écrits tout et son contraire.

Le gra­phisme de Bap­tiste Andreae, aux cou­leurs directes, est inven­tif et d’une beauté sai­sis­sante. Chaque planche, chaque vignette sont un tableau en soi, avec moult détails et des décors fabu­leux. Ces décors, proches du steam­punk, méca­ni­sés à la façon des machines indus­trielles du XIXe siècle, trans­cendent des per­son­nages au phy­sique remar­quables. Ce récit se lit avec un plai­sir sans cesse renou­velé. Les trou­vailles sont nom­breuses et inno­vantes.
Avec ce tome, ouvert sur une suite qui s’annonce tou­jours pas­sion­nante, Azi­mut est une vraie réus­site en matière de BD.

Consul­ter quelques planches de l’album

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rio) & Bap­tiste Andreae (des­sin et cou­leurs), Azi­mut, t.3 :  “Les Anthro­po­tames du Nihil”, Vents d’Ouest, coll. “Hors col­lec­tion”, jan­vier 2016, 48 p. – 13,90 €.

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