La situation est la suivante à l’ouverture de ce vingtième tome des aventures de ce milliardaire baroudeur. Il est amoureux de Saïdée, un coup de foudre apparemment réciproque. Mais la belle, en tant que martyre manipulée par Abdul Ahmad, un iman salafiste, est venue pour le tuer avec tous ses présidents. Cependant, Saïdée, de son vrai nom Naheen, a été recrutée par Reynolds un agent traitant de la CIA pour infiltrer les salafistes. Or, tout ce petit monde est le jouet d’Igor Maliakov, un homme d’affaires russe qui veut s’emparer du groupe de Largo après la disparition de tous ses dirigeants morts dans un attentat. Il a corrompu Reynolds et l’iman, cet homme de dieu plus attiré par les turpitudes du monde occidental que par les règles de vie préconisées par le Coran.
Largo est à la recherche de Saïdée qui n’est pas venue à leur rendez-vous. Elle n’est pas avec Domenica, la sculptrice romaine qui a réussi à vendre une de ses œuvres à Winch. Celui-ci se désintéresse de l’organisation de la réunion, laissant ce soin à son bras droit. Or, ce dernier a des soucis. La jeune femme avec qui il a passé la nuit a fait des photos non équivoques et veut 10 000 livres. Miss Pennywinkle retrouve son escroc… et lui tombe dans les bras. Un homme de Maliakov propose à Domenica de faire hisser la statue dans la salle de réunion au sommet de la tour, arguant la publicité qui en découlera. L’idée lui semble si séduisante qu’elle convainc un Largo pratiquement absent, rongé par l’absence de Saïdée. Celle-ci est retenue prisonnière par Reynolds et le socle de la statue contient un explosif puissant…
Van Hamme nourrit son intrigue avec l’actualité la plus brûlante. Il met en scène les luttes terribles que se livrent ces financiers avides, utilisant tous les moyens les moins avouables pour attendre leur but, dans une course en avant dérisoire. Et pour quoi ? Pour crever un jour, à l’aube, comme le commun des mortels, comme le SDF le plus démuni ! Il taille également un costume à une mouvance islamique radicale, dénonçant l’hypocrisie qui anime des dirigeants protégeant leurs sordidités derrière une volonté divine, un dieu qui a bon dos et qui leur est bien utile pour excuser toutes leurs ignominies. Il n’a que l’embarras du choix pour étaler les perversions de ces cagots aux diktats absolutistes… pour les autres.
Par contre, dans ce diptyque, le scénariste met son héros en retrait. Plus de courses éperdues, sauf la recherche de l’objet de son nouvel amour, plus de bagarres ni de séquences érotiques. Les cascades sont remisées pour plus tard, mais il accroche une large touche de romantisme à cette histoire d’espionnage débridée. Il entoure son héros, épris comme un collégien, d’une équipe de collaborateurs dont une des occupations principales semble être le sexe, que celui-ci soit hétéro ou homo. Pour donner une touche humoristique supplémentaire, car celles-ci sont très présentes, un des personnages vit, contre son gré, une vie d’abstinence dont il voudrait bien sortir.
Le dessin de Philippe Francq est impeccable, tonique, dynamique, avec un souci marquant du détail. Il réalise des vignettes superbes dans le genre réaliste et donne des décors remarquables, en particulier des vues de Londres et des immeubles de la City. Ses personnages sont adroitement mis en scène et les femmes qui gravitent dans l’univers du héros sont d’une grande beauté. Une série qui conserve un bel intérêt et qui se lit avec un grand plaisir.
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serge perraud
Jean Van Hamme (scénario) & Philippe Francq (dessin et couleurs), Largo Winch t. 20 : “20 secondes”, Dupuis, novembre 2015, 48 p. – 13,95 €.