De bric et de broc — enfin presque
Le titre Collections préhistoriques est (presque) un clin d’œil. Il permet le ressemelage de l’histoire de l’art populaire et de l’humain en associant des images érotiques, d’autres tirées de la préhistoire mais aussi objets collectionnés sur eBay. Camille Henrot devient une chasseuse post-historique : elle rassemble de manière faussement hétéroclite des images qui créent autant une archéologie qu’un chaos. Jouant du proche et du lointain, les motifs d’ornementaux formeNT une caverne où Platon y perdrait son grec ancien. L’intime et le général proposeNT une confusion organisée des plus plaisantes et intempestives : au regardeur d’y retrouver son chemin selon sa propre volonté de regard et de lecture.
Le bric-à-brac crée un lieu qui permet de contempler le passé et le présent. Il trouva son origine dans le goût de la collection de la créatrice qui eût la déclic de son projet dans « un livre sur la préhistoire algérienne qui fut volé en mai 1968 à la bibliothèque de Jussieu, puis acheté sur eBay : publié quatre ans avant l’indépendance de l’Algérie, il montre des pierres et des objets collectés et répertoriés par des militaires et des prêtres ». Déroulent sous les yeux du regardeur fantasmes, cultures première et d’aujourd’hui dans un mixage des codes et des corps. Avec Camille Henrot, ils ne sont jamais totalement achevés. Quant à la notion de genre, elle perd tout son sens.
L’univers est aussi drôle que visionnaire, préhistorique que résolument postmoderne. L’être semble étouffer sous les objets et les masques. Le plus souvent, il n’est que solitude sans beaucoup d’âme. Derrière des oripeaux, la vie semble a minima. Dur alors d’espérer un matin du monde. Le soir n’est jamais loin. Qu’importe : l’être dans la fixité de la photographie et ses « collages » est rendu à sa nature de quasi fantôme et de cendre.
Quant au paysage, il ne détourne pas le fini. Au contraire, il le renforce. Reste un recueillement qui à la fois éloigne et rapproche le monde de sa mythologie. Manière d’immobiliser le temps en sorte que sa suite ne pourrait être qu’une répétition.
jean-paul gavard-perret
Camille Henrot, Collections préhistoriques, Editions Manuella, 2016, 144 p.