Niklos Koda

Niklos Koda est un espion-diplomate qui affronte les forces malé­fiques d’un sor­cier vau­dou, Bar­rio Jésus.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi À l’arrière des ber­lines, le pre­mier opus de cette série de la col­lec­tion “Troi­sième Vague” du Lom­bard, Nik­los Koda est un espion-diplomate qui affronte les forces malé­fiques d’un sor­cier vau­dou, Bar­rio Jésus. Dans Le Dieu des cha­cals, le sédui­sant Koda cherche à connaître enfin le visage de l’insaisissable sor­cier. En effet, les repré­sen­tants du gou­ver­ne­ment fran­çais char­gés de négo­cier avec Sanche, ce diplo­mate qui uti­lise les pou­voirs sur­na­tu­rels de Bar­rio, sont éli­mi­nés un à un afin que le gou­ver­ne­ment fran­çais pro­pose une offre revue et cor­ri­gée à la hausse à la répu­blique du tiers monde concernée.

Une course contre la montre s’engage dans ce haut-lieu du luxe qu’est, à Paris, l’hôtel Luté­tia où Bar­rio et sa meute de cha­cals se sont ins­tal­lés. Entre assas­si­nats sur la voie publique, attaques per­fides à coups de scor­pion ou de visions hal­lu­ci­na­toires, Bar­rio déploie toute l’étendue de ses moyens para­nor­maux dans l’intention de décou­ra­ger Nik­los et les siens. Mais le bel espion, qui ne rechigne pas à retour­ner contre son ennemi ses propres moyens, peut comp­ter sur l’aide de la femme de Sanche, la belle Theo­dora, pour per­tur­ber l’influence mal­fai­sante du sor­cier et réta­blir la situa­tion à son avantage.

La mise en scène et les des­sins d’Olivier Gren­son concourent plus que jamais à don­ner toute son épais­seur et sa den­sité aux aven­tures de cet espion aux confins du fan­tas­tique et du réel qu’est Nik­los Koda. Dufaux cultive le don de faire sourdre par touches suc­ces­sives l’étrangeté au coeur même de la fami­lia­rité. Et le malaise de s’installer, source de jouis­sance pour qui aspire à érein­ter la fausse nor­ma­lité consti­tu­tive de nos inva­riants rap­ports sociaux. On se laisse faci­le­ment envoû­ter, aussi bien par la magie des lieux évo­qués que par le carac­tère irra­tion­nel des inter­ven­tions de Bar­rio Jésus — autant d’éléments mis en valeur par l’asymétrie ponc­tuelle des cases et la gamme chro­ma­tique où culmine sans cesse des cou­leurs ignées. Voilà bien une fresque endia­blée à ne pas sou­mettre aux esprits férus de car­té­sia­nisme !
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Koda va mal. Le diplo­mate espion fran­çais qui nous a char­més dans les deux pre­miers tomes de ses aven­tures revient sur le devant de la scène avec ce qui res­semble sin­gu­liè­re­ment à une com­mande exotico-touristique. L’intention était pour­tant louable : nous cré­di­ter enfin d’une his­toire en un seul album, cir­cu­laire et clos sur lui-même, nous offrant au pas­sage une clef inter­mé­diaire pour relan­cer les inves­ti­ga­tions du char­mant Nik­los sur la dis­pa­ri­tion de sa femme et de sa fille. Que Jean Dufaux ait voulu situer ce troi­sième épi­sode de la fresque au Maroc, en rap­port avec une sombre machi­na­tion ayant pour objet la maî­trise immo­bi­lière de cer­tains sec­teurs de la ville-phare qu’est Mar­ra­kech, pour­quoi pas ?

Mais que le fond esca­mote la forme, que le déco­rum l’emporte sur la cohé­rence de l’esprit de la série, et nous voilà net­te­ment moins convain­cus. La griffe irra­tion­nelle et para­nor­male dans laquelle bai­gnaient les deux pre­miers opus, A l’arrière des ber­lines et Le dieu des cha­cals s’amenuise — pour ne pas dire : dis­pa­raît — de fait au pro­fit d’une intrigue beau­coup plus conven­tion­nelle. Moins hale­tante, par­tant. Parce qu’il enquête sur la mort de Tarki Fer­rouz, frère de celle qui va en échange lui com­mu­ni­quer les infor­ma­tions qu’il recherche sur sa femme, Koda va se trou­ver pris à parti entre une famille influente de Mar­ra­kech et un groupe de rebelles éco­lo­gistes, les Ouch­chènes, vou­lant pré­ser­ver les espaces verts et les éten­dues d’eau de la ville. Et alors ? Quel rap­port avec la trame pre­mière des exploits hors norme du diplomate ?

A vrai dire, mis à part une dent de cha­cal, signe de tra­hi­son qui traîne dans la bouche d’un des mal­heu­reux pro­ta­go­nistes de ce sac de noeud frico-immobilier, on per­çoit mal le bien-fondé de la démarche. Gren­son des­sine tou­jours aussi bien les lieux où l’action amène les per­son­nages, de même qu’il sait dis­til­ler de chaudes ambiances visi­ble­ment ins­piré d’un tra­vail fort minu­tieux de docu­men­ta­tion sur place. Soit. Mais un album de bande-dessinée ne se réduit pas à un album de photographies-souvenirs, pas plus qu’au pâle sym­po­sium de quelques cli­chés pré­mâ­chés sur l’opposition entre riches et pauvres, justes et salauds, beaux et laids.

A se conten­ter d’illustrer aussi pla­te­ment des mani­chéismes pri­maires et de pon­ti­fier sur des dys­fonc­tion­ne­ments idio­syn­cra­siques, les concep­teurs de Nik­los Koda, qui ont bien trop de talent pour cela, risquent de perdre une bonne par­tie de leur clien­tèle, sinon leur âme.
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On s’était inquiété à tort lors de la paru­tion du troi­sième volet de la saga Nik­los Koda de la perte de souffle appa­rente de Duf­faux & Gren­son. Autant Inch’Allah nous avait sem­blé une pure com­mande exotico-touristique, autant ces Valses mau­dites–ci remettent les pen­dules à l’heure. Loin du Maroc, c’est du côté de la Répu­blique tchèque que nous sui­vons l’espion à la bar­bi­chette et au légen­daire carré. Celui-ci colle de près, de très très prés la belle femme d’affaires Sonia Dobrovna qui tra­vaille pour Hali Mir­vic, lequel est un notoire tra­fi­quant d’armes qui favo­rise l’insurrection des répu­bliques des Bal­kans… un homme quais invi­sible que Koda aime­rait bien mettre hors d’état de nuire. Et qui va devoir mon­ter le but de son nez car Pol­kow, son homme de confiance, vient d’être exé­cuté alors qu’il connais­sait une par­tie du numéro du compte ban­caire chy­priote sur lequel Hadic dépose régu­liè­re­ment l’argent des­tiné à ces sombres manoeuvres. Désor­mais, Sonia, livrée à elle-même dans la ville, devient une cible de prédilection.

Mais lorsque les inté­rêts, comme les dif­fé­rents camps en pré­sence, pul­lulent, allez savoir dans cette Prague envoû­tante et mys­té­rieuse qui est le gibier et qui est le chas­seur ! Les décors des scènes d’action, les teintes pas­tel des cadres où Dufaux lâche sa taupe sont peau­fi­nés au pos­sible et contri­buent, autant que l’emprunt de l’atmosphère géné­rale à Mis­sion impos­sible 2, au réa­lisme avéré de l’histoire. Notre bon et beau Nik­los s’en donne à coeur joie, entouré de créa­tures plus bim­boesques les unes que les autres, et les corps consomment pen­dant que les haines se consument. A l’instar de Valen­tina Sou­leva et de Sonia Dobrovna les grosses cases et les plans ser­rés se tirent la bourre. L’histoire est sur les rails, et nous avec. Duf­faux & Gren­son peuvent s’en réjouir — sup­posé qu’ils n’aient que cela à faire - : les afi­cio­na­dos sont de retour !
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Ce tome 5 achève de nous prendre aux tripes, puisque Koda est d’entrée de jeu assas­siné en pleine rue à Prague. C’est assez fré­quent pour un espion me direz-vous. Certes. Mais tan­dis que le lec­teur se demande qui a pu fomenté ce coup odieux (le tra­fi­quant d’armes Hali Mir­vic dont il ten­tait de déman­te­ler le réseau ou l’espionne russe Valen­tina Sou­leva char­gée de le dou­bler ?) tout porte à croire qu’une troi­sième orga­ni­sa­tion est en lice et en veut à Mir­vic éga­le­ment. A ces dif­fi­cul­tés d’identification des camps adverse s’ajoute pour Sonia Dobrovna des pro­blèmes plus per­son­nels (croit-elle) puisqu’elle s’apprête à échan­ger à un intime de Koda l’adresse secrète de l’institution où vit depuis huit ans Séleni, la fille qu’elle a eue de Nik­los, contre le code ban­caire de Mirvic…

Cette trame d’espionnage se com­plique contre toute attente d’une his­toire de coeur puisqu’on ne sait au juste si Séleni est une enfant de l’amour ou le fruit d’une mis­sion jadis confiée à Valen­tina par Mir­vic. Vous y per­dez un chouia votre latin ? Pas grave, sui­vez les images (elles sont très belles) et goinfrez-vous des planches (ça se lit tout seul). Un tome 5 dédié aux aléas de tout espion qui se res­pecte, avec courses endia­blées, retour­ne­ments de situa­tions et tra­hi­sons en tous genres, tout en cam­pant des décors somp­tueux appuyés par de cha­leu­reuses cou­leurs. Bref, ça ne se refuse pas.

fre­de­ric grolleau

Lire le tome 6 : “Magie noire

Dufaux, Oli­vier Gren­son, Nik­los Koda,
-  tome 2 : “Le Dieu des cha­cals”, Le Lom­bard, 2000, 47 p. — 9,45 €.
-  tome 3 : “Inch’ Allah”, Le Lom­bard, 2001, 48 p. — 9,45 €.
-  tome 4 : “Valses mau­dites”, Le Lom­bard, 2002, 48 p. — 9,45 €.
-  tome 5 : “Hali Mir­vik”, Le Lom­bard, 2004, 48 p. — 9,45 €.

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