Le postulat de ce roman de Clarke est d’un grand intérêt car ce texte de 1956 n’hésite pas à évoquer une humanité dans un avenir des plus lointains : coupée de tout référent à la réalité telle qu’appréhendée au XXe siècle, notre espèce a évolué vers une utopie artificielle, conditionnée par un Ordinateur central hyperpuissant, mais il serait plus juste de dire qu’elle a dévolué.
Car, mis à part le jeune Alvin, être Unique qui fait exception dans ce système invariant, les hommes viennent désormais au jour de manière cyclique, par clonage, puisés dans les banques mémorielles de la cité de Diaspar, dernier refuge sur Terre des hommes qui y ont été repoussés par des Envahisseurs ayant bien failli les supprimer jadis. Nul ne naît, nul ne meurt vraiment sur Diaspar.
Les citoyens s’y épanouissent au gré de “sagas”, technologiquement assistées, qui permettent aux rêves et aux fantasmes de se déverser sans que quiconque ait besoin d’aller voir à l’extérieur de la cité ce qui s’y passe – ce qui est d’ailleurs interdit !
Toute notion de changement est proscrite, la menace d’altération par le contact avec l’extérieur étant écartée par une organisation millimétrée (absence de conflit, nourriture chimiquement composée, relations charnelles réduites à l’accouplement sans souci de procréation…). Alvin, qui vient de naître pour la première fois, à la différence des millions d’autres habitants qui enchaînent vie sur vie successives, représente le parfait grain de sable dans cette machinerie : mû par d’autres désirs, d’autres envies, il veut savoir ce qu’il y a au-delà des limites de la cité, voyager comme ses ancêtres dans l’espace infini et les myriades d’étoiles.
Assisté par Khedron, le bouffon officiel, Alvin accède bientôt à un chemin oublié de tous, qui mène à la cité de Lys, où lui sera révélé le secret de sa naissance en même temps qu’il découvrira d’autres hommes, remettant ainsi en cause les mythes fondateurs de Diaspar…
Sans doute pas le plus grand roman de Clarke, ne serait-ce qu’à côté de 2001, L’Odyssée de l’espace, La Cité et les Astres reste cependant une lecture idéale pour les adolescents.
La plupart des thèmes clefs du célèbre romancier américain sont réunis mais il manque à l’ensemble le souffle polémique et épique d’une rencontre avec l’Ennemi pour transformer cette quête initiatique en véritable parcours du combattant.
frederic grolleau
Arthur C. Clarke, La Cité et les Astres, Folio SF, 2002, 347 p. - 7,50 €