L’enseigne des Trois Épis est née à Brive en 1947 et regroupe aujourd’hui trois librairies, une entreprise de diffusion, et une structure éditoriale
L’enseigne des Trois Épis existe à Brive depuis 1947, année où trois anciens résistants fondèrent, sous ce label, une librairie. Ce motif agricole, symbole de fécondité et de prospérité, se réfère sans doute au blason de la ville, qui comporte trois fois trois épis ; peut-être, aussi, désigne-t-il les trois fondateurs, ainsi identifiés à leur ville ? à moins qu’il ne faille y voir un signe maçonnique… Toujours est-il que, sous l’impulsion de la famille Gazeau, les Trois Épis sont devenus gerbe — et quelle gerbe : cette enseigne regroupe aujourd’hui trois librairies — à Brive, Guéret et Carcassonne — une entreprise de diffusion, et une structure éditoriale indépendante en cours de structuration.
Nous avons rencontré Laurent Gazeau qui, ayant pris la succession de son père au décès de celui-ci, a parmi ses priorités immédiates de donner un nouvel essor au secteur strictement éditorial. Il participe aussi très activement à l’organisation de la Foire du Livre de Brive, dont la notoriété n’a cessé de croître depuis sa naissance. Laurent Gazeau est un libraire et un éditeur d’une extrême lucidité économique, mais qui a su conserver intacte sa passion du livre. Et autant vous dire qu’elle est communicative !
Comment, de libraire, êtes-vous devenu éditeur ?
En ce qui me concerne, on peut dire que le métier de libraire est chromosomique : mes parents sont devenus libraires sur le tard, en 1977, et je les ai rejoints en 1995 après avoir fait bien d’autres choses pendant dix ans. C’est un choix personnel, que mes parents n’ont à aucun moment téléguidé ; un choix que m’a dicté ma passion du livre. Pour ce qui est de l’édition, mon père a créé cette activité en 1993 à la suite d’une demande récurrente de la clientèle : certains de nos clients déploraient le manque de beaux livres consacrés à notre région, le Limousin, qui pâtit du voisinage d’autres régions plus touristiques comme le Quercy ou le Périgord, et reste un peu en marge. Il a donc eu l’idée de réaliser lui-même un ouvrage qui répondrait à cette demande en sollicitant les auteurs de l’École de Brive pour les textes, et l’un des employés de la librairie, photographe de formation, pour la partie iconographique. Ainsi est né un album intitulé Balade en Corrèze, dont le texte est signé Michel Peyramaure. Ce fut la première aventure. Le livre s’est plutôt bien vendu, et dès lors, la Corrèze a appelé le Lot, le Lot a appelé la Creuse, la Creuse la Haute-Vienne et ainsi de suite…
De 1993 à 2001 s’est donc développé petit à petit un catalogue de beaux livres à caractère régionaliste qui ont assez bien marché, et à partir de là nous avons commencé à nous lancer dans l’édition de romans mais sans avoir de ligne éditoriale prédéterminée ; il est toutefois patent que nos choix étaient plus ou moins motivés par ce que nous pouvions observer des habitudes de lecture de notre clientèle, issue en grande partie d’un milieu plutôt rural. Nous avons donc publié, dans un premier temps, des romans dit “de terroir”. Aujourd’hui, notre production s’ouvre à d’autres genres comme le policier, le roman contemporain, le fantastique…etc. Nous travaillons beaucoup sur ce créneau-là ainsi que sur la publication de documents régionalistes.
Mais nous avons pour ainsi dire abandonné le domaine du “beau livre” depuis 2001 : c’est un secteur où il est de plus en plus difficile de trouver un équilibre économique, compte tenu d’une part des coûts de fabrication très élevés, et d’autre part des risques d’échecs en termes de vente. Les gens sont de moins en moins disposés à investir plus de 45 euros dans l’achat d’un livre mais en même temps, lorsqu’ils pensent “beau livre”, ils ont en tête La Terre vue du ciel de Yann Arthus-Bertrand… et ce type d’ouvrage coûte cher à la fabrication. Or si on propose un ouvrage de moindre prix, mais qui sera plus petit, ou moins riche en images, on risque fort de ne pas vendre le livre en question. Il faut dire aussi qu’en prenant la suite de mon père, qui est décédé en 2001, j’ai décidé de développer cette activité d’éditeur, de publier plus de titres — et donc de me concentrer plus particulièrement sur le domaine du roman. Toujours sans adopter de ligne éditoriale prédéfinie : notre catalogue n’a d’autre unité que d’être constitué par des auteurs “de chez nous” qui, en dehors de cet ancrage régional, n’ont pas grand-chose en commun. On publie ce qui nous plaît et qu’on estime bon pour la publication, tous genres confondus. Ainsi, cette année, nous avons sorti deux romans policiers et le premier tome d’une saga fantastique écrite par un professeur d’histoire-géographie du Cantal…
À partir de septembre nous allons séparer le secteur éditorial de notre activité de vente et créer une véritable structure d’édition sous le label Les 3 Épis, avec une responsable éditoriale, un maquettiste qui réalisera les maquettes et les couvertures et, si tout se passe bien, à partir de février 2005, il y aura un troisième interlocuteur qui sera chargé d’assurer la promotion de nos livres et leur référencement auprès des librairies de premier niveau et des grandes enseignes que nous connaissons.
Donc si je vous ai bien suivi, vous fonctionnez au coup de cœur par rapport aux manuscrits que vous recevez ?
Totalement au coup de cœur. Nous recevons beaucoup de manuscrits… On procède à un premier tri, forcément aléatoire et frustrant pour tout le monde, à l’issue duquel les textes qui paraissent intéressants tant dans la forme que dans le contenu sont soumis à un comité de lecture — à géométrie variable si je puis dire, mais qui comporte un noyau dur de 6 gros lecteurs qui acceptent de lire les manuscrits. Ils font des fiches de synthèse et d’analyse assez factuelles, qui n’entrent pas dans l’appréciation même. Si le manuscrit passe ce cap, l’intégralité du comité de lecture le lit, et s’il ne suscite aucun refus motivé, il gagnera le droit d’être publié. La seule restriction que nous nous imposons est de ne pas retenir les textes que nous serions incapables de vendre ; nous assurons en effet nous-mêmes la diffusion de nos livres, par nos propres moyens commerciaux, et nous avons donc nos limites. Or c’est tout de même la vente qui fait exister un livre. Pour le moment sont donc exclus de nos sélections les ouvrages de jeunesse — mais je pense que c’est un secteur qui s’ouvrira sans tarder, dès qu’on aura pris confiance en nous — ainsi que les ouvrages de poésie et de théâtre, qui ont des ventes plus confidentielles et qui sont beaucoup plus difficiles à promouvoir. Mais là encore, je pense que ce type d’ouvrages pourra s’ajouter à notre catalogue dès lors qu’on aura un interlocuteur capable d’aller promouvoir ces petits chefs-d’œuvre auprès des librairies de premier niveau hors de notre région.
Quels sont vos rapports avec les libraires en ligne comme amazon ou alapage ?
Pour le moment, je m’efforce simplement d’être référencé chez eux ; ce sont des bases de consultation qui sont devenues très importantes, et grâce à ce référencement, nous recevons régulièrement des commandes émanant de libraires de toutes tailles, situés un peu partout en France. Mais faute de relations régulières avec ces structures, nous ne parvenons pas vraiment à leur présenter l’ensemble de notre catalogue, ni à leur proposer les autres titres d’un auteur dont ils ont un ouvrage en référence. Tant que nous ne serons pas en mesure de promouvoir activement nos titres auprès de ces entreprises, je pense que nous n’avons pas grand-chose à attendre de la vente en ligne. Mais, bien sûr, figurer dans les listes d’amazon ou alapage nous permet d’avoir une vitrine beaucoup plus vaste que celle offerte par nos points de vente ou ceux de nos clients que nous fournissons en tant que grossistes.
Les éditions Les 3 Épis ont-elles un site internet ?
C’est en cours de développement. Aujourd’hui nous avons un intranet mais c’est un site professionnel –compliqué, peu accessible, et qui n’a rien de convivial. Nous l’utilisons en tant que grossistes pour communiquer avec nos clients détaillants qui sont principalement les maisons de presse. Mais je pense que ce site va évoluer dans les mois qui viennent : pour l’ouvrir au grand public, nous devons le rendre plus attractif, et surtout plus facile d’accès. Ce sera surtout, selon toute probabilité, une vitrine destinée à mettre en valeur nos propres productions, et je doute que ce site à venir permette l’achat en ligne — du moins dans l’immédiat.
Aujourd’hui, combien avez-vous de titres à votre catalogue ?
34. Il y en aura cinq de plus au mois de septembre, et six encore au mois d’octobre pour la foire du livre de Brive qui aura lieu les 5, 6 et 7 novembre. Nous aurons donc 45 titres au total, dont une vingtaine de romans. Et je pense qu’avec l’instauration prochaine d’une véritable structure éditoriale on devrait accroître encore notre rythme de publication l’année prochaine, tout en essayant de garder notre philosophie. Nous allons aussi créer une collection de poche vers le mois de mars 2005 pour une mise en place chez nos clients aux alentours des vacances de Pâques. Une vingtaine de titres des 3 Épis sortiront dans cette collection. J’espère qu’on pourra poursuivre ce développement grâce à cette structure proprement éditoriale, mais à condition de garder la maîtrise de ce qu’on publie. Notre ambition n’est pas de “faire des coups” mais de nous inscrire dans la durée.
Onze titres en septembre et octobre… vous jouez à fond la carte de la rentrée littéraire !
Oui et non… en fait nous n’avons pas cherché à nous caler sur la rentrée littéraire : ce cumul de parutions — sur septembre — résulte de retards successifs… sur les cinq ouvrages à paraître, trois auraient dû être publiés beaucoup plus tôt, mais nous avons préféré laisser passer la période estivale, plutôt propice pourtant à la vente de nos titres, et consacrer tout le temps voulu au choix des couvertures et à la relecture des textes. On a choisi de “s’asseoir” sur les perspectives de vente de l’été et de repousser les parutions sur septembre. Quant aux six ouvrages planifiés sur octobre, ils étaient bien prévus pour cette période, c’est-à-dire juste avant la foire du livre de Brive. Nous tenons tout particulièrement à les présenter à cette foire, qui représente la meilleure opportunité d’amener nos auteurs à rencontrer leurs lecteurs. De plus, notre librairie est une enseigne importante sur la place de Brive, et nous participons à l’organisation de la foire du livre.
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Et en tant que libraire, comment vivez-vous cette rentrée littéraire ? à quoi correspond ce concept de “rentrée littéraire” selon vous ?
La “rentrée littéraire” correspond à un moment où l’on achète des livres — et ça c’est important. Pourquoi ? eh bien justement parce que les vacances sont terminées : on va moins bouger, moins sortir… le budget pour se mouvoir et se distraire a été considérablement réduit après le printemps et les vacances estivales ; on a davantage envie de rester chez soi… et donc traditionnellement c’est une période où on va acheter davantage de livres. Les ventes de librairie se font à peu près pour deux tiers sur le second semestre d’une année et pour un tiers sur le premier semestre, ce qui représente tout de même une saisonnalité assez marquée.
Cela dit, du point de vue de l’aménagement des rayons, cette rentrée 2004 sera aussi déprimante qu’une autre : elle va donner lieu comme d’habitude à une avalanche particulièrement dévastatrice de titres… cette tornade blanche dans les rayons est une véritable catastrophe… je trouve qu’aujourd’hui on publie beaucoup trop de nouveautés et comme les rayons des libraires ne sont pas extensibles on finit par gérer les stocks en fonction de la date du dépôt légal et non plus en fonction des auteurs ou de l’intérêt des sujets abordés. Outre l’abondance de nouveautés, nous sommes aussi victimes des pressions publicitaires imposées par les grosses maisons : le battage médiatique incite les gens à demander ces titres largement promus par voie de presse ou par la télé ; or nous nous devons de satisfaire nos clients — donc d’avoir ces livres en devanture et d’en posséder un stock suffisant. Ce qui signifie reléguer à l’arrière-plan d’autres ouvrages peut-être plus intéressants mais qui ne seront pas demandés faute de publicité. C’est là une logique mathématique à laquelle on ne peut pas couper — et qui est terriblement frustrante pour le responsable de rayon qui aime à choisir ses livres, ceux qu’il va mettre en avant et proposer à ses clients. Parce qu’avec ce renouvellement trop rapide, un livre cesse d’exister dès lors qu’il n’est plus présent physiquement dans un rayon. Or un ouvrage jugé de qualité lors de sa sortie continue d’être bon six mois plus tard… mais il ne nous est plus possible de le maintenir en rayon aussi longtemps. On voit donc que le métier de libraire relève d’une gestion de plus en plus délicate. Pour continuer d’exister demain, une librairie devra jouir de l’espace nécessaire pour jouer sur deux tableaux : d’une part installer la grosse cavalerie de ces ouvrages que va lui demander le grand public, et d’autre part garder en fonds ces livres moins courus des clients mais que le libraire s’efforcera de leur faire découvrir en leur prodiguant ses conseils. Le rôle du libraire, c’est aussi d’émerveiller sa clientèle en lui ouvrant les portes d’une littérature moins pré-mâchée et plus enthousiasmante, mais il faut avoir les moyens de jouer ce rôle, et c’est loin d’être évident.
Pensez-vous qu’un éditeur peut se permettre de ne pas tenir compte de cette échéance de la “rentrée littéraire” ?
Non, parce qu’il a obligation de faire vivre économiquement sa structure ; il est obligé, à un moment ou à un autre, de “faire du chiffre”. C’est là toute la difficulté du monde du livre : on ne peut pas se détacher complètement des réalités économiques mais il faut aussi se battre pour promouvoir la culture, ce qu’on a appelé de façon un peu galvaudée “l’exception française”. Entre le cœur et l’économie, il y a un équilibre à trouver qui est toujours très frustrant : quand on privilégie l’économique le culturel s’appauvrit, et quand on privilégie le culturel souvent l’économique ne suit pas. Mais il y a beaucoup d’expériences, même dans les petites structures, qui démontrent qu’à l’évidence le combat est loin d’être perdu. Et si je m’en réfère aux statistiques, il y a une dizaine d’années on prédisait la mort du livre, enterré par les e-books entre autres mais il semble que la consommation — ce terme n’est peut-être pas le mieux adapté… — de livres se maintienne malgré la télévision et les nouveaux outils de communication. Cela veut donc dire que le marché se recompose — pas toujours en faveur du culturel mais il y a quand même des gens qui lisent, qui viennent à la lecture. Et peu importe, au fond, que les gens soient amenés à la lecture par le biais d’ouvrages très commerciaux : cela signifie que plus tard, ils seront à même de s’ouvrir à d’autres choses, l’essentiel étant que leur soif de découverte trouve toujours à s’étancher.
Venons-en à la Foire de Brive. Depuis combien de temps existe-t-elle ? Quelles sont les grandes lignes de son histoire ?
On finit par ne plus savoir vraiment ! Je crois que ça fait 21 ou 22 ans que la foire existe. Il y a eu au départ la volonté de créer un salon du livre provincial qui aurait été un vrai rendez-vous culturel en mesure de répondre au Salon du livre de Paris. Mais les premières initiatives n’ont pas eu l’écho escompté : les organisateurs avaient tendance à avoir des orientations trop pointues, peu susceptibles d’intéresser le grand public. Mon père a alors souligné la nécessité de revoir ces options : si l’on voulait que ce rendez-vous continue d’exister dans la durée, il fallait dépasser la seule satisfaction de réunir un plateau de qualité et s’efforcer d’attirer un public beaucoup plus large. D’où l’idée d’appeler la manifestation “foire” et non plus “salon”, terme qui, par sa connotation intellectuelle, peut rebuter les gens qui se sentent loin du livre et de la vie culturelle. On a voulu démystifier le livre : ce rendez-vous littéraire a donc lieu dans un foirail, avec un marché autour. L’accès en est ainsi facilité.
En ce qui concerne l’organisation, elle repose d’abord sur l’ensemble des libraires de la ville, puis sur une association de bénévoles très active, les Amis du livre, qui prennent en charge l’intendance et la communication avec l’aide de la municipalité de Brive, qui joue le jeu depuis le départ. Je tiens à souligner, car c’est très important, que l’implication de chaque libraire dans la préparation de cette foire est totale, et sans faille. Mais chacun, depuis le relais de la gare jusqu’à la maison de la presse en passant par les petits et les moyens libraires, agit au sein d’un collectif : nous sommes “libraires participant à la Foire du livre de Brive” et aucune de nos enseignes n’est visible pendant la manifestation. Nous travaillons tous d’un commun accord, sans difficultés, sans frictions ni jalousies. Notre façon de procéder est très simple : chaque libraire a une liste d’éditeurs à contacter afin de commander les livres et de faire le point sur les auteurs qui pourront être présents ; à charge pour lui d’assurer le suivi logistique, depuis la prise de contact avec les maisons d’édition jusqu’à la vente des livres au moment de la foire. Notre grande force, c’est notre enthousiasme et notre solidarité. Si bien qu’au bout d’une vingtaine d’années d’existence — et après avoir connu beaucoup de concurrence à un moment donné - notre Foire est la seule manifestation de cette envergure qui, en dehors du Salon du livre de Paris et de la Fête du livre de Saint-Étienne, tienne dans la durée.
S’agit-il d’une foire généraliste, comme le Salon de Paris, ou bien le régionalisme a-t-il une part prépondérante ?
C’est très généraliste. Au début il y a eu bien sûr une impulsion locale autour de l’École de Brive naissante — une communauté d’auteurs de la région qui n’ont pas grand-chose en commun sinon d’être publiés par la même maison, à savoir les Éditions Robert Laffont. Ces auteurs ont été le moteur du succès de cette foire : étant connus localement, ils ont drainé tout un public qui attendait leurs ouvrages, qui était heureux de pouvoir les rencontrer, leur parler.
Mais aujourd’hui c’est une foire très grand public, dont le parent pauvre est peut-être ce qui est très littéraire, ce qui est catalogué par les libraires comme étant “très parisien”… et là c’est un peu l’antagonisme entre province et Paris qui ressort mais c’est, à mon sens, une fausse rivalité… qui vient peut-être de la frustration que peut éprouver, lors de cette foire, un écrivain émérite comme Franz-Olivier Giesbert qui, assis à côté d’un auteur de l’École de Brive, fera moins de signatures que ce dernier parce qu’il sera moins attendu que l’écrivain briviste qui vient de sortir sa nouveauté. C’est un peu le retour en gloire de la province sur Paris, mais une fois le salon terminé, chacun reprend sa place.
Pour l’édition 2004, comment se présentent les choses ? Vous pourriez m’en donner un petit avant-goût ?
Pas vraiment parce qu’il est aujourd’hui trop tôt encore pour savoir quel sera le plateau. Ce n’est qu’à partir de septembre qu’on se rapproche des maisons d’édition ; en fonction des sorties de la rentrée on voit avec chaque éditeur quels sont les auteurs qui seront disponibles et que l’on pourra inviter. Et là il faut tenir compte de plusieurs facteurs : d’abord les titres que les éditeurs souhaitent promouvoir — soit qu’ils veuillent lancer un jeune auteur, ou bien mettre en vedette un auteur confirmé qui aura réalisé de bonnes ventes. Et ensuite, il faut composer avec la personnalité des auteurs : certains aiment le contact avec leurs lecteurs et se rendent volontiers sur ce genre de foire, d’autres au contraire, plus introvertis, se satisfont de ne toucher les gens qu’à travers leurs livres. En fonction de tout cela, on se concerte avec les éditeurs de manière à réunir le plus beau plateau possible — qui commencera à prendre sa tournure définitive vers la fin du mois d’octobre.
En dehors des signatures, y a-t-il d’autres animations telles que conférences, tables rondes… etc. ?
Oui. Pendant toute la durée de la foire — trois jours — il y a toute une série de colloques et de tables rondes thématiques relayés par la radio (France Inter et RTL) et coordonnés par des animateurs radio ou par des essayistes très pointus spécialistes des sujets abordés. En fait, ce type d’animation, dont le déroulement s’est considérablement structuré depuis trois ans, a été amené par les médias — notamment la radio — qui souhaitaient rendre l’événement plus vivant. Les libraires ont d’abord eu quelques difficultés à accepter ce genre de démarche parce qu’ils ne voyaient pas ce que cela pouvait apporter sur le plan commercial. Mais l’on se rend compte aujourd’hui que développer ces colloques, ces tables rondes permet justement de donner une autre dimension à la foire et d’éviter qu’elle se réduise à un alignement d’auteurs derrière des tables, avec des piles de livres autour.
J’imagine que dès l’édition 2004 terminée, vous commencerez à plancher sur la prochaine ?
Non, pas exactement ; quand on referme la manifestation, on essaie d’abord, et de plus en plus, d’analyser à chaud nos impressions, celles du public et des différents intervenants. On procède aussi à un débriefing concernant ce qui est bon, ce qui ne l’est pas, ce qu’il faut améliorer ou proscrire… tout cela — sauf la comptabilité — va demeurer en sommeil jusqu’au printemps. À ce moment-là, on commence à se réunir pour déterminer précisément ce que l’on va changer ou laisser en l’état, et comment on peut le mettre en œuvre sur le plan pratique — on se concentre, par exemple, sur l’emplacement et la disposition des stands, l’agrandissement de la surface disponible, la répartition des éditeurs… etc. Une fois qu’on est à peu près d’accord sur ces questions-là et que les budgets sont calés, chaque intervenant sait ce qu’il aura à faire — il y a tout de même 20 ans d’expérience derrière ! –et chacun part un peu en vacances. Vient ensuite la préparation du plateau, qui commence fin août début septembre. Puis les choses s’enchaînent presque automatiquement… Et puis on s’entraide beaucoup ; en cas de difficulté, chacun sait qu’il peut appeler ses confrères.
Y a-t-il un site internet dédié à la foire de Brive ?
Oui, mais il n’est pas bon, et surtout, il n’est pas à jour ! je crois qu’actuellement, il ne comporte pas le moindre élément concernant l’édition 2004 alors que l’on connaît déjà les dates, par exemple, et quelques autres données que l’on pourrait y faire figurer. Je pense que ce manque vient de ce qu’Internet a été d’emblée perçu comme une vitrine un peu superflue pour une manifestation qui repose sur le contact direct, la rencontre, le dialogue, l’échange. Nous n’avons pris conscience de l’importance du réseau internet — tant pour les auteurs que pour les éditeurs, surtout pour ceux qui ne sont pas de la région — qu’il y a deux ans, mais nous n’avons pas encore réussi à mettre en place une véritable stratégie de communication sur ce réseau-là. Nous allons bien sûr travailler à l’amélioration du site, mais j’ai le sentiment que cette année encore il sera fait de raccrocs, ni très attrayant, ni très convivial. Par contre, tout devrait être en place pour 2005.
NB - Pour faire connaissance avec le catalogue des 3 Épis, aventurez-vous dans le pays de Louis le Galoup, ou essayez de trouver quelque Repos sur l’autoroute. Ce sont d’agréables heures de lecture qui vous attendent…
Propos recueillis par isabelle roche le 16 août 2004 dans les locaux de la rue Lecornu. Les 3 Epis Espace culturel Librairie Librairie Edition-diffusion |