Benjamin Péret reste - plus que Breton lui-même - le grand poète de la première génération des surréalistes. Discret plus que tout autre, il démontre dans ses dédicaces qu’il reste toujours plus indigne qu’indigné – ce qui est sans doute mal porté aujourd’hui – et qu’il possède quand il le faut un humour de bûcheron : à savoir, de derrière les fagots. Défenseur d’une certaine esthétique forestière pour laquelle là où il n’y pas de mélèzes il n’y a pas de plaisir, il reste un parangon de vertu surréaliste.
Il ne renierait pas aujourd’hui l’humour du Président Vertut, artiste iconoclaste suisse dans la veine du poète. Fidèle à l’école dont il fut le pionnier, Péret prouve que la poésie n’est pas une affaire de sens. Elle n’est pas pour autant affaire de non sens. L’un ou l’autre se découvrent en avançant dans ses textes mais aussi ses dédicaces impertinentes qui tordent le cou aux images admises et aux discours convenus. En un siècle où sous l’effet-mère (trop durable) de Duchamp l’art se perdit parfois dans un système répétitif de “coups”, Péret fut de ceux qui prirent toujours des risques.
C’est pourquoi ses adresses ne ressemblent jamais à une peau de chagrin ou à un discours de cire constance. Ne transformant jamais la poésie en idée, il se laissa simplement emporter au fil de l’inconscient. “Le beauf y est toujours bizarre” (disait ou presque Baudelaire) et Péret demeure de ces émondeurs qui escaladent les abîmes et font migrer les appâts rances. Refusant l’art pompier, son œuvres restent pleines d’incendies prometteurs.
jean-paul gavard-perret
Benjamin Péret, La Légende des minutes, Dédicaces de Benjamin Péret, Collectées par Dominique Rabourdin, Ill. de Jean-Claude Silbermann, URDLA, Villeurbanne, Collection Hurdle, 192 p. — 90,00 €.