Les riches heures de Paul-Armand Gette
Paul-Armand Gette n’en a jamais fini à s’intéresser principalement au corps féminin où tant d’écrivains et d’artistes font tenir l’idée de néant L’auteur par ses images (comme par ses textes) n’a eu cesse de monter la nudité d’Eve — avec quelques thématiques annexes dont les galets polis par exemple. Chaque modèle lui permet de développer sa propre fable du temps en l’exposant au grand jour.
Les parfums des ans qui ne semblent pas avoir de prise sur l’artiste enveloppent les silhouettes le plus souvent décadrées par pudeur paradoxale. P-A Gette aime capter des seuils. Le sexe féminin entre autre puisque dès « la nuit sexuelle » (Quignard) c’est là que tout commence. S’ouvrent ses « paupières » verticales et le devenir de l’être. Celles-ci nourrissent non le plaisir mais le cœur du créateur.
L’érotisme est pour lui une cosa mentale. L’artiste s’incline pour photographier le pubis mais afin que l’invisible reste l’inconnu. Le reflet du réel pousse vers une autre vision optique. La littéralité lentement s’abandonne. L’existence devient étrange par l’aimantation proposée. Le regard est soumis à l’ignorance lumineuse d’une fleur invisible que ni le regardeur ni le photographe ne pourront cueillir.
Néanmoins aveugle dans sa lucidité, l’artiste donne ici – dans son dialogue avec Alain Coulange – la vision libre d’une œuvre qui privilégie le sujet à sa faconde. L’artiste met toujours en exergue la femme libre d’elle-même avec parfois des pétales sur ses dessous. Il les recueille pour en faire l’essence qui le sauve. Et lorsque le modèle se retire, elle reste pour P-A Gette sa pensée. Les galets sont habités au dessus de l’eau avec le linge mouillé, les moulages des corps vivants demeurent les pentes qui scintillent parsemées de taches de couleurs.
jean-paul gavard-perret
Paul-Armand Gette, Je n’ai jamais été populaire en privilégiant le sexe plutôt que la parole, Editions End, Le Ban Saint Martin, 2015, 40 p.