Mahaut d’Artois, femme d’exception
Christelle Balouzat-Loubet réussit le tour de force d’écrire une biographie absolument passionnante sur une femme qu’on connaît tous et dont en réalité on ne sait pas grand-chose. Le nom de Mahaut d’Artois est en effet familier à tous ceux qui ont dévoré les Rois maudits de Maurice Druon et admiré l’adaptation télévisuelle réalisée en 1972. Mais qui fut-elle en vérité ? Les sources directes manquent pour connaître en détails la vie et l’œuvre de cette femme, certes de sang royal mais éloignée du trône. Christelle Balouzat-Loubet parvient néanmoins, par un travail archivistique précis, à lever nombre de voiles, à décrypter la personnalité de Mahaut et surtout à la replacer dans son époque.
La jeune Mahaut reçoit une éducation soignée qui en fait une femme cultivée. Elle épouse ensuite Othon IV de Bourgogne favorisant ainsi (et c’est l’objectif des noces) le rapprochement entre la France des Capétiens et l’espace bourguignon. De cette union naissent un fils et deux filles qui épouseront les fils du roi de fer, Philippe IV. Son destin connaît un tournant quand elle hérite du comté d’Artois suite à la mort de son frère. C’est de là que naît la célèbre querelle avec son neveu Robert.
Tout cela est connu. La biographie ne s’arrête donc pas là. Bien au contraire, elle nous éclaire sur le mode de fonctionnement d’un apanage au XIVe siècle et sur la volonté de la comtesse d’imposer son autorité sur ses « barons », à l’image de ce que la monarchie capétienne fait au même moment. Moult détails sont apportés sur la politique de prestige dynastique menée par Mahaut, à travers ses fondations religieuses, les magnifiques tombeaux sculptés pour son père, son mari et son fils. Sans cesse sur les routes, entre l’Artois et la Bourgogne, via Paris et les châteaux royaux, ses entrées dans ses villes sont autant d’occasion d’affermir son pouvoir et son image.
On ne saurait nier que le procès qui l’oppose à son neveu Robert autour de l’héritage d’Artois occupe une place prépondérante. Mais ces péripéties nous montrent un élément méconnu du Moyen Age. Cette époque, décrite comme l’expression de la barbarie et de la violence, est en réalité imprégnée de droit. C’est devant la justice royale que se règle le contentieux familial. Enfin, à l’époque même où la loi salique est officialisée, le pouvoir échoit à une femme qui conduit le combat contre ses vassaux révoltés et le conserve.
Sans aucun doute Mahaut d’Artois fut une femme d’exception qui évolua au plus près du pouvoir royal. A travers sa vie, c’est une image tout en nuances qui se dégage du Moyen Age. A lire absolument.
frederic le moal
Christelle Balouzat-Loubet, Mahaut d’Artois. Une femme de pouvoir, Perrin, mai 2015, 222 p. — 19,90 €.