Alexandre Dupilet, Le cardinal Dubois. Le génie politique de la Régence

Ce bon abbé Dubois… His­toire d’une ascension

Est-il pos­sible d’avoir une autre image de l’abbé Dubois que celle ins­crite dans nos mémoires par le mer­veilleux film de Taver­nier, Que la fête com­mence ? C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé Alexandre Dupi­let dans la bio­gra­phie qu’il lui consacre. Et force est consta­ter que la démons­tra­tion de l’auteur est tout à fait convain­cante. Sans nier les tra­vers du per­son­nage et son goût pour les plai­sirs char­nels de la vie, Alexandre Dupi­let pointe du doigt les écrits nom­breux qui, dès l’époque, ont déversé sur Dubois des tom­be­reaux d’ordures, construi­sant une légende noire qui a eu et aura encore la vie dure.
La bio­gra­phie apporte une mul­ti­tude d’informations sur ce per­son­nage, sur ses angoisses, sa crainte d’être dis­gra­cié, ren­voyé, de ne pas réa­li­ser ses rêves d’ascension sociale. Car l’un des points cen­traux de l’étude réside dans cet incroyable par­cours qui per­mit à un fils d’apothicaire de Tulle de finir car­di­nal de la Sainte Eglise et Pre­mier ministre. Tout cela au sein de la société d’ordres et du sys­tème de la monar­chie abso­lue dont on nous dit depuis deux siècles qu’ils consti­tuaient l’enfer sur terre. Il est vrai qu’il croisa les bonnes per­sonnes et sut se faire appré­cier. Mais tout de même…

Ensuite, l’œuvre poli­tique de Dubois est très bien mise en lumière. Alexandre Dupi­let en fait l’architecte prin­ci­pal du retour­ne­ment diplo­ma­tique en faveur de l’Angleterre et d’un sys­tème d’alliances incluant l’Empire et l’Espagne, bien davan­tage que le régent lui-même, très hési­tant sur cette ques­tion. L’abbé dut lut­ter, lou­voyer, négo­cier, avec toute sa force pro­di­gieuse de tra­vail, pour réa­li­ser ce beau suc­cès qui donna à l’Europe la paix tant espé­rée depuis la mort du Grand Roi.
Enfin, comme le veut le genre bio­gra­phique, le lec­teur est entraîné dans cette période fas­ci­nante de la Régence qui, loin d’incarner l’émergence d’un mou­ve­ment libé­ral, pour­sui­vit l’œuvre louis­qua­tor­zienne. C’est là aussi un apport de cette étude. Dubois appa­raît sous les traits d’un défen­seur de la monar­chie abso­lue. Avec lui, pas ques­tion d’instaurer un sys­tème par­le­men­taire à l’anglaise et ce, mal­gré sa très bonne connais­sance de ce pays. On pour­rait donc consi­dé­rer que ce fut une occa­sion man­quée : celle d’empêcher la pour­suite de ce régime abso­lu­tiste qui, une fois sclé­rosé, condui­sit aux fureurs révolutionnaires.

Cette bio­gra­phie, très bien docu­men­tée, se lit avec un grand plai­sir. Une belle réussite.

Lire un extrait du livre

 fre­de­ric le moal

Alexandre Dupi­let, Le car­di­nal Dubois. Le génie poli­tique de la Régence, Tal­lan­dier, février 2015, 410 p. — 23,90 €.

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