Antonio Socci, Non è Francesco. La Chiesa nella grande tempesta

Un brû­lot anti-pape François

Le livre du vati­ca­niste ita­lien Anto­nio Socci est un best-seller en Ita­lie, un ouvrage qui cara­cole en tête des ventes, mal­gré une omerta média­tique des plus sour­noises. Les rai­sons en sont évi­dentes : non seule­ment il tranche avec le culte de la per­son­na­lité de type nord-coréen qui entoure le pape Fran­çois, mais en plus il dénonce, avec force argu­ments, l’action du Sou­ve­rain Pon­tife comme dan­ge­reuse pour l’Eglise catho­lique et la foi !

Quatre points majeurs sont à rete­nir de cette étude docu­men­tée et réfé­ren­cée : Socci émet de sérieux doutes sur la vali­dité de la renon­cia­tion de Benoît XVI, sans s’exprimer clai­re­ment sur les rai­sons de ce geste inouï (il évoque néan­moins des menaces de schisme de la part des clans anti-ratzingériens, rejoi­gnant ici la thèse de Nico­las Diat dans son livre L’homme qui ne vou­lait pas être pape, Albin Michel, 2014). Il se livre à des ana­lyses très inté­res­santes sur le titre de « pape émé­rite » et sur cette situa­tion ubuesque de deux papes au Vati­can. Car pour lui, il n’y en a qu’un seul légi­time.
Socci n’a en effet aucun doute sur l’invalidité de l’élection du pape Fran­çois. En effet, selon lui, le qua­trième scru­tin du 13 mars 2013, annulé au béné­fice d’un cin­quième d’où sur­gira le vain­queur, était valide mal­gré la pré­sence d’un bul­le­tin blanc en trop, inséré dans un autre par un car­di­nal dis­trait. Ce cas de figure prévu par le règle­ment n’aurait donc pas dû entraî­ner l’annulation sui­vie d’un cin­quième vote. D’ailleurs, celui-ci aurait dû être orga­nisé le len­de­main pour res­pec­ter le nombre prévu de quatre tours de scru­tin par jour. Pour Socci, la messe est dite : l’élection de Ber­go­glio est cano­ni­que­ment nulle!!!

Ensuite, l’auteur se lance dans une charge, non seule­ment contre le style de Fran­çois qui refuse de « faire le pape », mais sur­tout contre ses pro­pos com­plai­sam­ment relayés par les médias. Un pape peut-il affir­mer que « Dieu n’est pas catho­lique » ? par­ler de « la para­bole de la mul­ti­pli­ca­tion des pains » ? dire tout et son contraire en fonc­tion de ses inter­lo­cu­teurs ? faire don­ner la com­mu­nion à qui veut bien la rece­voir ? Socci y voit un grave dan­ger pour la foi. Rap­pe­lons tou­te­fois que pour le moment aucune déci­sion dog­ma­tique de rup­ture n’a été prise et que le car­di­nal Ber­go­glio s’est mon­tré un défen­seur intrai­table de la Vie quand il était en Argen­tine.
Enfin, qua­trième et capi­tal point, le livre de Socci s’inquiète de la filia­tion spi­ri­tuelle qu’il pense voir entre Fran­çois et les cou­rants les plus pro­gres­sistes qui ont menacé l’Eglise dans les années 1970 et que Jean-Paul II puis Benoît XVI réus­sirent à conte­nir, voire à faire taire. Ber­go­glio appa­raît comme l’héritier du théo­lo­gien Karl Rah­ner et de l’ultra-progressiste car­di­nal Mar­tini. Ce pon­ti­fi­cat nous ferait-il reve­nir aux pires années de celui de Paul VI, pape tour­menté mais qui sut résis­ter à la tem­pête? Les cardinaux-électeurs en avaient-ils conscience ? Connaissaient-ils vrai­ment le car­di­nal Bergoglio ?

Malheu­reu­se­ment, le synode sur la famille d’octobre 2014 est venu confir­mer les craintes que Socci exprime dans son livre sur cet évé­ne­ment dont il a par­fai­te­ment saisi les enjeux et qui pour­rait lais­ser des traces pro­fondes. Il existe un fait indé­niable : Fran­çois plaît aux enne­mis de l’Eglise, aux non-catholiques et aux catho­liques à la marge qui rêvent depuis qua­rante ans de deve­nir pro­tes­tants. Faut-il vrai­ment s’en féli­ci­ter ? Le suc­cès édi­to­rial de ce livre prouve en tout cas qu’une ana­lyse cri­tique du pape Fran­çois ne tombe ni dans le vide ni dans l’indifférence.
L’étude de Socci est en fait un cri – avec tout ce que cela implique de sin­cé­rité et d’exagération – d’un catho­lique effrayé par ce pon­ti­fi­cat qui donne l’impression de rompre avec ceux de ses illustres pré­dé­ces­seurs. Elle éclaire les divi­sions au sein du monde des vati­ca­nistes quant à la per­sonne et à l’action de Fran­çois et tranche avec les ana­lyses glo­ba­le­ment enthou­siastes de Jean-Marie Gué­nois (Jusqu’où ira  Fran­çois ?, J.C Lat­tès, 2014). Plus que jamais le pape argen­tin semble mys­té­rieux, incom­pré­hen­sible, contra­dic­toire. Le temps de la clarté serait-il arrivé avec le dis­cours devant le Par­le­ment euro­péen? Peut-être…
Ultime et brû­lante ques­tion : ce livre sera-t-il tra­duit en français ?

 fre­de­ric le moal

 Anto­nio Socci, Non è Fran­cesco. La Chiesa nella grande tem­pesta, Mon­da­dori, octobre 2014, 296 p. — 18,00 €

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