Ou comment enlever le bronze d’un monument de la littérature russe
Une série télévisée agréable qui se regarde facilement. Ni trop longue ni trop courte : le réalisateur n’a pas eu l’ambition de faire un biopic exhaustif sur la vie de l’écrivain. Le film couvre la période de sa vie entre 1849 (épisode très connu de la condamnation de Dostoievski suite à sa participation au cercle de Petrachevsky) et 1879 (début de l’écriture des Frères Karamazov). La jeunesse et la fin de la vie de l’écrivain ne sont pas montrées.
Le réalisateur, Vladimir Khotinenko, ne prétend pas non plus à l’exactitude historique des événements, quelques moments manquent de précision par rapport aux faits réels, lui-même avoue avoir inventé certains épisodes, notamment celui avec la pièce d’or que Dostoievski cache sous le banc, retrouve des années après, perd au casino et où il s’arrête de jouer à compter de ce moment. Ou la venue du photographe dans le dernier épisode.
C’est un film de fiction, une histoire romancée qui nous raconte la vie intime d’un homme dévoré par les passions, étouffé par ses crises d’épilepsie, criblé de dettes, dans laquelle s’inscrit un défilé de femmes qu’il a connues, aimées, quittées. D’ailleurs, Khotinenko qui promet au spectateur de « s’arrêter devant la serrure de la chambre à coucher mais de ne pas en franchir le seuil », insiste tellement sur cette facette du Dostoievski coureur de jupons que par moments le film commence à ressembler à un banal et vulgaire soap opera mexicain.
Il me semble qu’en s’attaquant à un génie de telle envergure et de tel talent Khotinenko n’a pas pu montrer la personnalité de l’écrivain dans toute sa profondeur et sa richesse. Dans le film, on ne trouvera que peu de séquences sur son travail littéraire, deux ou trois explications de ses idées philosophiques ou des moments de naissance de ses romans, le choix de sujets. En même temps son but était d’après ses propres mots, « d’enlever le bronze » de ce monument de la littérature russe. D’où l’introduction dans le film de l’épisode avec la vache, épisode sans importance mais qui montre Dostoievski en tant que simple mortel.
Le film reste léger et je dirais presque superficiel : le personnage de Dostoievski est rendu humain et sympathique et n’a rien à voir avec cette image grave, sombre, austère que nous avons à travers des témoignages et des mémoires de ses contemporains. Somme toute, c’est une libre interprétation du personnage à travers son quotidien et sa vie intime qui est globalement réussie pour une série télévisée mais qui, malgré le beau jeu d’acteurs et les magnifiques décors, n’émeut pas.
En ce qui concerne le jeu des acteurs, Mironov est idéal dans le rôle principal, la ressemblance est parfois frappante (le portrait fait par le peintre Pérov a servi d’étalon pour créer l’image de Dostoievski), même si pour ceux qui ont vu le film L’Idiot dans lequel il joue le rôle du prince Mychkine on a l’impression du déjà-vu. Les rôles féminins sont également réussis sauf celui de la première femme de l’écrivain, Maria Issaeva. Tchoulpan Khamatova, qui l’interprète (pourtant une vraie vedette du cinéma russe), n’a pas su percevoir le caractère de cette femme ; l’interprétation est trop moderne, on sent qu’elle joue et on n’y croit pas.
natacha blanc
Dostoievski, de Wladimir Chotinenko
avec Jewgeni Mironov, Tschulpan Chamatowa, Alexander Domoganow
Mini-série : 8 épisodes de 55 minutes
éditions Montprnasse video, 2014 — 25,00 €.