Gérard Genette, Epilogue

Tris­so­tin­tin et mille ” hou ! ”

Gérard Genette se serait bien rêvé en Beckett ou en Blan­chot. Il ne sera que lui-même étran­glé dans son jabot par son sta­tut de théo­ri­cien de la nar­ra­to­lo­gie. Shooté au cha­ra­bia, il le confond avec « de » la langue. Certes, l’auteur pense le contraire. Mais au lieu de s’aventurer en elle, il s’intéresse beau­coup plus à la défi­nir au moyen de caté­go­ries, néo­lo­gismes et rétro­pé­da­lages en un défi­cit créa­tif. Epi­logue n’échappe pas à la règle. Au contraire. Le livre est une figure de style lar­vaire que le hâbleur qua­li­fie par une suite de calem­bre­daines non­sen­siques : « méta­texte, média­texte, épi­texte, figure, palimp­seste, ana­to­pies, rétro­cras­ti­na­tion à teneur véri­fi­ca­tion­nelle ». On en passe. Et des meilleures.
Habile, « l’Homérique » — on par­le­rait plu­tôt d’Omer Simp­son de la cri­tique — se veut par­fois auto­cri­tique qua­li­fiant ses goût de « pué­rils ». Il refuse cepen­dant à les défi­nir pour ce qu’ils sont : empha­tiques et amphi­gou­riques. Il est vrai que toute sa répu­ta­tion tient à cette (im)posture. Se vou­lant une manière d’habiter le temps, le der­nier livre du pro­fes­seur en ver­biage est farci de bourre du type : « Le temps est plus court en pro­lepse qu’en ana­lepse ». Entre quelques consi­dé­ra­tions intimes et digres­sions lit­té­raires — sur Berg­son et Proust, che­val de Bataille du rado­teur, celui-ci refait le coup de la « forme » et du « contenu » - il évoque péremp­toi­re­ment le fiasco post­mo­derne mais est inca­pable de par­ler de la lit­té­ra­ture du temps (qu’il lise un peu Guyo­tat ou Eugène Savitzkaya).

Rhéteur de l’enflure, l’analyste pro­pose des jus­ti­fi­ca­tifs à ses vati­ci­na­tions far­cesques. En n’hésitant jamais à recour­rir aux effets-mères du style, il croît affir­mer une puis­sance de la pen­sée. A pro­pos de  l’Education Sen­ti­men­tale, Genette pré­cise que le héros n’est pas Fré­dé­ric Moreau mais le point vir­gule… Tris­so­tin­tin ne perd donc jamais l’occasion de faire se rou­ler de rire son lec­teur. Il reste égal à lui-même. Tel il fut un par­fait, tel il demeure n’hésitant jamais  ; en croyant tou­cher à la musique contem­po­raine, il fait un sort au trom­bone chez les Jazz Messengers.

jean-paul gavard-perret

Gérard Genette, Epi­logue , Le Seuil, 2014,  204 p. — 17,00 €.

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